Читаем Sur la dalle полностью

Et sans plus s’occuper du géant immobile, Matthieu tourna lentement autour de la table, fermant de temps à autre ses mains dans le vide, jusqu’à ce que tout le monde comprenne qu’il cherchait à attraper un gros et lourd papillon de nuit, brun-roux, au corps velu, qui voletait maladroitement en heurtant un lampadaire. Johan le suivait passionnément des yeux en se mordant la lèvre.

— Je l’ai, dit Matthieu en refermant ses mains en coquille autour de l’animal pour ne pas abîmer ses ailes.

Le commissaire le lâcha au-dehors et boucla la porte.

— Un simple bombyx, dit-il, un papillon de nuit aussi inoffensif que tous ses congénères. Mais Johan, expliqua-t-il en chuchotant, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, a une telle terreur des papillons de nuit que ces pauvres bêtes ont le pouvoir de le pétrifier sur place. Sa hantise, c’est le grand sphinx tête de mort, aussi anodin que son collègue, mais de plus en plus rare. Il n’en a vu qu’une seule fois et c’est Josselin qui l’en a débarrassé. C’est bon, Johan, dit-il en secouant gentiment son épaule, il est parti.

— Pardon, dit Johan en se laissant pesamment tomber sur une chaise, et merci, Matthieu. Allez, tous, je sais que vous devez dormir.

— Il extravague, dit Retancourt, une fois l’équipe dans la rue, inapte à comprendre qu’on puisse à ce point redouter un bombyx. Il fait cela avec tous les papillons de nuit ?

— Pas avec les noctuelles, expliqua Matthieu, qui sont plus petites.

— Un jour, Retancourt, je tenterai de vous instruire de tous les méandres des extravagances, dit Adamsberg en souriant. Mais la tâche sera rude.

<p>XXXI</p>

— Le type est chez lui et voici le détail des lieux, dit Adamsberg en griffonnant sur une feuille, tandis que Johan leur servait à déjeuner, les sachant pressés.

Les blousons pare-balles et les casques étaient restés dans les véhicules banalisés, pour ne pas indisposer la clientèle.

— Tu as aimé ton dolmen ? lui demanda l’aubergiste sans ironie.

— Beaucoup. Il était vraiment parfait ce matin.

— Parce que le dolmen change ? demanda Noël.

— Bien sûr, lieutenant. Il a ses mauvais jours, comme nous tous. Mais ce matin, il était d’une humeur de rêve.

— Eh bien on est contents de l’apprendre, dit Noël.

— Riez, lieutenant, riez, dit Adamsberg en souriant. Mais il a trois mille ans d’histoire et il a eu le temps d’en voir, des trucs. Cela suinte à travers la pierre.

— Mais bien sûr, répondit Noël, narquois, avant qu’un regard réprobateur de Retancourt ne l’arrête net sur sa lancée.

— D’ailleurs, c’est sur mon dolmen que le divisionnaire m’a aimablement envoyé l’autorisation du juge : « Prise de corps pour suspicion de délit et perquisition. »

— Excellent, dit Matthieu. Cela nous…

— Parce que c’est le vôtre, maintenant ? coupa Noël. Le dolmen ?

— Absolument, répondit Adamsberg avec une certaine fermeté qui fit baisser le regard du lieutenant. Mais je peux le prêter bien sûr, s’il y a des volontaires. Quant à vous, Noël, laissez choir ces élans provocateurs qui vous prennent quand vous êtes sous tension. Nous le sommes tous, après ces neuf jours passés à piétiner sans autre résultat que cinq crimes. Mais c’est précisément le moment ou jamais d’être calmes, très calmes.

Noël, dont la jeunesse tumultueuse et agressive avait laissé des traces, hocha la tête en signe d’assentiment.

— Que disais-tu, Matthieu ? reprit Adamsberg.

— Que le mandat du juge va grandement nous faciliter la tâche. « Prise de corps », rien de moins.

— Mais savoir comment prendre ce corps, tout prêt à nous tirer dessus, est une autre affaire. Voici ce que je propose, dit Adamsberg en sortant sa feuille chiffonnée de sa poche, présentant un plan très précis du domicile de Gilles alias Pouliquen. Devant la maison, face à la porte, fleurit un très vieux pommier dont le tronc large suffira amplement à me planquer. Il n’est pas prévu qu’il fasse beau, l’atmosphère sera voilée. Un peu plus à gauche et plus en arrière, ici, expliqua-t-il en crayonnant, des anciennes toilettes reconverties en cabane à outils. Matthieu s’y colle. Sur la droite, le garage. Deux hommes sur la façade nord, Verdun et Veyrenc. À l’arrière de la baraque, un appentis. C’est pour Noël. Dans le pré, à faible distance, un tas de déchets de taille et d’élagage et un peu plus loin, le fumier. Le premier pour Mercadet, le second pour Berrond.

— Ça pue, dit Berrond.

— Pas tant que cela.

— Ça ne fait que sept emplacements, dit Veyrenc.

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