Читаем Sur la dalle полностью

— Ah. Le déchaînement. Celui-là n’était pas prévu dans l’immédiat. Il te fallait réfléchir au moyen de l’atteindre. Car Robic n’habitait pas Louviec et ne traînait pas dans les rues au soir. Non, il s’enfermait dans sa demeure, où il n’était pas seul. Un cas difficile, donc, à méditer. Mais quand tu as appris que Robic avait été remis en liberté, tu as compris qu’il allait disparaître comme un courant d’air et t’échapper. Hors de question ! Robic devait payer ! Robic qui t’avait tourmenté, exploité, mais surtout Robic qui t’avait sans cesse tapé sur l’épaule – sur ton frère – depuis ta jeunesse et plus que tous les autres : tapé tous les jours et vingt fois par jour, pour se moquer de ta bosse, mais écrasant ton jumeau – croyais-tu – cent fois plus que tous les frappeurs réunis. C’était un coupable majeur.

— Son « meurtre ultime » ? demanda Berrond.

— Je ne crois pas, rectifia Adamsberg. Mais une pierre indispensable sur son chemin. Tu savais, Maël, que chaque heure comptait, que Robic, une fois libéré, pouvait avoir filé le lendemain. C’était ce samedi soir ou jamais qu’il fallait t’organiser et frapper. Mais pas avec ton quatrième couteau. Non, pour celui-ci, l’évidence s’était renforcée, il était destiné au « meurtre ultime ». Mais bon sang, pourquoi ne pas avoir d’emblée acheté cinq couteaux ? Mais tout simplement parce que tu n’en as trouvé que quatre ! Car un Ferrand n’est certes pas un article très commun. Tu avais l’intention de t’en procurer un plus tard, et dans une autre ville. Mais l’urgence était là, te prenant de court. Tu as été rôder en voiture près de sa maison, et tu as vu qu’une fête s’y préparait à nouveau. Cela t’arrangeait. Au soir, tu lui as envoyé un message anonyme – depuis le téléphone de la bonne Louise Méchin. Et comment t’étais-tu procuré son numéro ? De la manière la plus simple : par Estelle Braz, avec laquelle tu t’entendais fort bien. À vérifier, mais je suis certain de ne pas me tromper. Prétexte ? Tu t’occupais de la comptabilité de la boîte de Robic, tu avais besoin d’un renseignement confidentiel de première importance. Le tour était joué.

— Bien sûr, approuva Matthieu. Estelle n’avait aucune raison de douter.

— Et donc, Maël, poursuivit Adamsberg, dans ce message, tu donnais rendez-vous à Robic derrière son cellier, quand la fête attirerait toute l’attention ailleurs. Tu sentais croître ta fureur et, te méfiant de toi-même depuis ta crise incontrôlée avec la psychiatre, tu as endossé un ciré et préparé un sac pour l’y mettre, au cas où. Et ce meurtre, tu n’avais plus l’intention de l’endosser. Car Robic était entre-temps devenu une cible primordiale pour la police. Bien trop de flics se mettraient en chasse pour une pareille victime et tu as choisi la prudence. Une fois sur les lieux, et voyant ton ancien tortionnaire approcher, tu n’as donc pas ôté ton plâtre comme à ton habitude mais donné ton premier coup de lame du bras droit, avec un grand couteau ordinaire et sans laisser d’œuf. Cela t’a contrarié bien sûr mais ta liberté primait. Puis, de le voir se tordant à terre t’a brusquement enflammé. Toutes tes souffrances de jeunesse se réveillaient et, pris de démence, tu t’es mis à frapper sans plus pouvoir t’arrêter. Jusqu’à ce que tu réalises qu’il y avait trente ou quarante personnes sur place et qu’il était grand temps de filer. Tu as alors donné le dernier coup mortel au cœur, ôté tes gants, le ciré, les sachets plastiques qui protégeaient tes chaussures, et tu t’es cavalé par le tunnel dont tu avais forcé les portes. L’œuvre était accomplie, ou presque, sans qu’on n’ait jamais pu te prendre. À un détail près qui t’a perdu : tu avais lâché une puce sur Robic. Fin de l’histoire. Tu étais venu au préalable nous trouver à l’auberge, et pourquoi ? Pour nous décrire ce tunnel qui débouchait sur le chemin de la Malcroix. Cela aussi, c’était malin, car quel meurtrier dévoilerait lui-même son accès ?

— Et les œufs ? dit Berrond. Pourquoi s’est-il mis à ajouter des œufs ?

— L’idée ne lui en est venue qu’après le deuxième meurtre. Il manquait quelque chose à son œuvre : son sens. D’un côté chaque assassinat soulageait sa colère, mais d’un autre il était frustré que nul ne puisse en comprendre la raison : l’œuf écrasé, fécondé, signifiait que la victime avait provoqué la mort d’un embryon, d’un fœtus. À ce propos, je vous rappelle que j’étais assez surpris que le maire ait parlé d’« embryon » et non pas de « fœtus ». Il avait donc su, certainement par son ami le docteur, ce qu’était en réalité la bosse de Maël. Ce pourquoi il a ajouté : « Prévenez le docteur. » Ou en d’autres termes « Prévenez le docteur du danger qu’il court. » Pour en revenir à cet œuf, fécondé, broyé, ce fut son moyen d’exposer sa raison d’agir.

Adamsberg se rassit et, à l’aide d’une serviette pour éviter les puces, releva lentement le menton de Maël pour croiser son regard.

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