Читаем Том 11. Былое и думы. Часть 6-8 полностью

Si l’on pense que la nature restait des milliers et des milliers dans la léthargie minérale et se contentait d’autres milliers à nager comme poisson, à chanter comme oiseau, à errer dans les bois comme bête fauve – on peut arguer de là que le délire historique avec ses rêves phantastiques pourra suffir pour longtemps d’autant plus que ce délire continue largement la plasticité de la nature – épuisée dans les autres sphères.

Les hommes qui ont eu la chance d’ouvrir les yeux – sont impatients avec les dormeurs – sans prendre en considération que tout le milieu, qui les entoure, les endort et les empêche de se réveiller. La vie depuis le foyer de la famille et l’économie culinaire jusqu’aux foyers du patriotisme et l’économie politique – n’est qu’une série d’images optiques. Pas une notion simple et lucide pour voir clair dans ces brouillards, pas un sentiment naturel laissé intact, pas une question qui ne soit déracinée de son sol et placée sur un autre.

Prenez au hasard une feuille de journal – ouvrez la porte d’une maison – regardez ce qui se passe – et vous verrez quel Robert Owen peut y faire quelque chose. Les hommes souffrent avec résignation – pour des absurdités, meurent pour des absurdités, tuent les autres pour des absurdités. L’individu dans des soucis éternels, alarmé, nécessiteux, entouré d’un vacarme épouvantable, n’ayant pas un moment pour réfléchir – passe soucieux et inquiet sans même jouir. A-t-il un peu de repos – il se hâte de suite à tresser une toile d’araignée entière par laquelle il se prend soi-même et ce qu’il appelle le bonheur de famille s’il n’y trouve pas la faim et les travaux forcés à perpétuité – il invente peu à peu ces persécutions acharnées et sans fin – qui au nom de l’amour paternel ou conjugal – font haïr les liens les plus saints…

Les préoccupations et les soucis de chaque fourmi isolée ou de toute la fourmillière – ne se distinguent presque pas. Regardez ce que l’individu veut, ce qu’il fait, à quoi il parvient, quelles sont ses notions du bon et du mauvais, de l'honneur et de l'opprobre. Regardez à quoi il consacre ses derniers jours, à quoi il sacrifie ses meilleurs moments – ce qu’il prend pour «business» et ce qu’il prend hors d’œuvre – et vous verrez que vous êtes en plein chambre d’enfants, – où les chevaux ont des roues sous les pieds, où les poupées sont punies – avec autant de sérieux – par les enfants, qu’eux-mêmes sont punis par les bonnes… S’arrêter, réfléchir est impossible – vous ruinerez les affaires, on vous poussera, on vous débordera, tout le monde est trop compromis, trop avancé dans le courant, pour faire halte et pour quoi? – pour écouter une poignée d’hommes saus canons, sans argent, sans pouvoir – qui proteste au nom de la raison – sans même avoir des miracles pour prouver leur vérité.

Un Rotschild, un Montefiore s’empresse d’aller dans son bureau, il lui faut commencer la thésaurisation de la seconde centaine de millions – tout va bien et très vite, – on meurt en Brésil de la fièvre, en Italie de la guerre, l’Amérique se brise… l’Autriche a le miserere – et on lui parle de l’irresponsabilité de l’homme et d’une distribution des biens… Il n’écoute pas. C’est évident, pourquoi voulez-vous qu’il perde son temps?

…Un Mac-Mahon a travaillé des années à méditer un bon plan pour anéantir dans le temps le plus court, et à moindre frais – la plus grande quantité possible d’hommes habillés en uniforme blanche – par des hommes en pantalons rouges – il a parfaitement réussi, tout le monde en est touché, les Irlandais qui en qualité de papistes ont été battus par lui – lui envoient une épée… et voilà que des hommes prêchent que la guerre est non seulement une barbarie atroce et absurde – mais un crime… il ne les écoute pas – et regarde son épée d’Ile de l’Emeraude.

Je connaissais en Italie un vieux banquier – chef d’une grande maison. Ne pouvant dormir la nuit, je m’habillai et j’allai faire une longue promenade, en retournant vers cinq heures du matin – je passai devant sa maison. Il y avait grande activité – des ouvriers roulaient des barils d’huile et les rangeaient sur des charriots. Le vieillard en long pardessus était là, il notait dans un livre chaque baril. Le vent du matin était frais – le vieillard était transi de froid, les lèvres pâles et les mains tremblantes:

– Vous êtes bien matinal? – lui dis-je.

– Il y a plus d’une heure que je suis là.

– Vous souffrez du froid – comme si vous étiez en Russie?

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