– Mais quand est-ce qu’il les possédait et pourquoi est-ce qu’on lui donne le nom de souverain – et quel droit a-t-il sur les biens des traîtres à la patrie?
– Vous doutez, vous n’avez pas de civisme, vous êtes
…La pratique de l’opérateur Babeuf ne pouvait gâter la pratique de l’accoucheur R. Owen.
Babeuf voulait détruire par la force ce qui était imposé par la violence, anéantir une œuvre inique. Pour faire sauter le vieil édifice, il fit une conspiration, et si elle était parvenue à avoir le dessus, le «comité insurrecteur» aurait imposé à la France sa république égalitaire – comme les Turcs ont imposé à Byzance leur monarchie islamique. L’esclavage – que nous avons vu dans les décrets – aurait fait naître une opposition acharnée, – qui aurait fini par une nouvelle insurrection et la République égalitaire succomberait en léguant à l’humanité une grande idée et une forme absurde – une idée – qui n’est que sous les cendres et quoique à peine visible – trouble la quiétude des satisfaits.
R. Owen ne voulait que soulager et accélérer le développement – par lequel la société passait d’un état à un autre; il commença ses études avec une grande conséquence – par une cellule, par un cas particulier, comme un naturaliste. New Lanark était son laboratoire, son microscope… il agrandissait ses vues avec la connaissance de la cellule et parvint à la conclusion – que saufquelques palliatifs le seul moyen était
Une conspiration était inutile pour Owen, une insurrection – pernicieuse. Il pouvait tolérer tout gouvernement – non seulement le meilleur gouvernement du monde – le gouvernement anglais – il voyait dans les formes usées du pouvoir un résultat historique, une décrépitude, une agonie lourde, longue mais non un crime prémédité, à ses yeux l’autorité était entre les mains des hommes arriérés – mais non d’une bande de brigands et de malfaiteurs. Il ne voulait ni terminer d’une manière violente le vieil ordre des choses gouvernemental – mais il ne voulait non plus le corriger ou l’améliorer. Si les saints boutiquiers ne lui auraient mis des bâtons dans les roues – nous aurions maintenant un réseau de N. Lanark et de N. Harmony en Angleterre et aux Etats-Unis. La sève saine de la population – s’y serait de plus en plus portée – en sevrant les hauts parages – il pouvait laisser les agonisants à leur mort naturelle – connaissant très bien que chaque enfant qu’on apportait dans les écoles à la N. Lanark – était autant de pris sur l’église et le pouvoir[730]
.Plus loin.
Babeuf et R. Owen se rencontrent encore une fois dans leur insuccès, quoique leur sort tragique porte le cachet du même contraste que nous avons signalé.
Babeuf était guillotiné. Le monstre omnivore, allaité dans les tombes, où l’on avait jeté pêle-mêle les cadavres des Césars païens et des rois très catholiques, des prêtres et des chevaliers, – grandissait. L’individu – pâlit devant lui, s’effaça et disparut. Jamais sur le sol de l’Europe depuis les trente tyrans d’Athènes – jusqu’à la guerre de trente ans, et de là jusqu’à la révolution – l’homme n’a été si entièrement enlacé dans les filets de la police gouvernementale – si entièrement livré à l’administration qu’il ne l’а été par la centralisation.
R. Owen fut peu à peu pris par les eaux troubles et marécageuses – il se remuait autant <…>[731]
Qui donc gagnait lorsque les deux perdaient?
Vers le temps dans lequel les têtes de Babeuf et Dorthès tombaient dans le sac des bourreaux, et R. Owen demeurait avec un autre génie méconnu – plus pauvre encore que lui-même – Fulton, auquel il donnait son dernier argent – pour faire des modèles de machines par lesquelles le petit gnome pensait enrichir l’humanité, – vers ce temps un jeune officier montrait à des dames de sa connaissance sa batterie – pour être tout à fait aimable, il fit lancer quelques boulets (tout cela est raconté par l’officier lui-même); l’ennemi riposta, quelques hommes tombèrent, d’autres blessés – les dames étaient très contentes de la secousse nerveuse. L’officier avait un peu de remords – que les gens soient morts inutilement – mais bien peu.
Cela promettait… Et en effet le jeune homme à lui seul versa plus de sang humain que toutes les révolutions ensemble, consomma par les conscriptions plus d’hommes qu’il ne fallait d'écoliers pour Owen – pour régénérer le monde entier.
Iln’avait pas de système, il ne voulait pas de bien aux hommes et ne le feignait pas. Il ne voulait du bien que pour lui seul et par le mot de bien il ne comprenait que le pouvoir. Comparez à lui les deux nains – Babeuf et Owen… Son nom a suffi trente ans après sa mort – avait encore assez de prestige pour faire élire empereur un sien neveu.
Quel secret avait-il donc?
Babeuf voulait imposer le bien-être et décréter une république égalitaire.