Читаем Том 3. Публицистические произведения полностью

Comment donc un pouvoir ainsi fait, aussi peu sûr de son droit, d’une nature aussi indécise, aurait-il eu quelque chance de succès en intervenant dans une question comme l’est cette question romaine? En se présentant comme médiateur ou comme arbitre entre la Révolution et le Pape, il ne pouvait guère espérer de concilier ce qui est inconciliable par nature. Et d’autre part il ne pouvait donner gain de cause à l’une des parties adverses sans se blesser lui-même, sans renier pour ainsi dire une moitié de lui-même. Ce qu’il pouvait donc obtenir par cette intervention à double tranchant, quelque émoussé qu’il fût, c’était d’embrouiller encore davantage ce qui déjà était inextricable, d’envenimer la plaie en l’irritant. C’est à quoi il a parfaitement réussi.

Maintenant quelle est au vrai la situation du Pape à l’égard de ses sujets? Et quel est le sort probable réservé aux nouvelles institutions qu’il vient de leur accorder? — Ici malheureusement les plus tristes prévisions sont seules de droit. C’est le doute qui ne l’est pas.

La situation, — c’est l’ancien état des choses, celui antérieur au règne actuel, celui qui dès lors croulait déjà sous le poids de son impossibilité, mais démesurément aggravé par tout ce qui est arrivé depuis. Au moral, par d’immenses déceptions et d’immenses trahisons; au matériel, par toutes les ruines accumulées.

On connaît ce cercle vicieux où depuis quarante ans nous avons vu rouler et se débattre tant de peuples et tant de gouvernements. Des gouvernés n’acceptant les concessions que leur faisait le pouvoir, que comme un faible acompte payé à contrecœur par un débiteur de mauvaise foi. Des gouvernements qui ne voyaient dans les demandes qu’on leur adressait que les embûches d’un ennemi hypocrite. Eh bien, cette situation, cette réciprocité de mauvais sentiments, détestable et démoralisante partout et toujours, est encore grandement envenimée ici par le caractère particulièrement sacré du pouvoir et par la nature tout exceptionnelle de ses rapports avec ses sujets. Car, encore une fois, dans la situation donnée et sur la pente où l’on se trouve placé, non seulement par la passion des hommes, mais par la force même des choses, — toute concession, toute réforme, pour peu qu’elle soit sincère et sérieuse, pousse infailliblement l’Etat romain vers une sécularisation complète. La sécularisation, nul n’en doute, est le dernier mot de la situation. Et cependant le Pape, sans droit pour l’accorder même dans les temps ordinaires, puisque la souveraineté temporelle n’est pas son bien, mais celui de l’Eglise de Rome, — pourrait bien moins encore y consentir maintenant qu’il a la certitude que cette sécularisation, lors même qu’elle serait accordée à des nécessités réelles, tournerait en définitive au profit des ennemis jurés, non pas de son pouvoir seulement, mais de l’Eglise elle-même. Y consentir, ce serait se rendre coupable d’apostasie et de trahison tout à la fois. Voici pour le Pouvoir. Pour ce qui est des sujets, il est clair que cette antipathie invétérée contre la domination des prêtres, qui constitue tout l’esprit public de la population romaine, n’aura pas diminué par suite des derniers événements.

Et si d’une part une semblable disposition des esprits suffit à elle seule pour faire avorter les réformes les plus généreuses et les plus loyales, d’autre part l’insuccès de ces réformes ne peut qu’ajouter infiniment à l’irritation générale, confirmer l’opinion dans sa haine pour l’autorité rétablie et — recruter pour l’ennemi.

Voilà certes une situation parfaitement déplorable et qui a tous les caractères d’un châtiment providentiel. Car pour un prêtre chrétien quel plus grand malheur peut-on imaginer que celui de se voir ainsi fatalement investi d’un pouvoir qu’il ne peut exercer qu’au détriment des âmes et pour la ruine de la Religion!.. Non, en vérité, cette situation est trop violente, trop contre nature pour pouvoir se prolonger. Châtiment ou épreuve, il est impossible que la Papauté romaine reste longtemps encore enfermée dans ce cercle de feu sans que Dieu dans Sa miséricorde lui vienne en aide et lui ouvre une voie, une issue merveilleuse, éclatante, inattendue — ou, disons mieux, attendue depuis des siècles.

Peut-être en est-elle séparée encore, elle — la Papauté — et l’Eglise soumise à ses lois, par bien des tribulations et bien des désastres; peut-être n’est-elle encore qu’à l’entrée de ces temps calamiteux. Car ce ne sera pas une petite flamme, ce ne sera pas un incendie de quelques heures que celui qui, en dévorant et réduisant en cendres des siècles entiers de préoccupations mondaines et d’inimitiés anti-chrétiennes, fera enfin crouler devant elle cette fatale barrière qui lui cachait l’issue désirée.

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