Sous les ifs noirs qui les abritent,Les hiboux se tiennent rang'es,Ainsi que des dieux 'etrangers,Dardant leur oeil rouge. Ils m'editent.Sans remuer ils se tiendrontJusqu'`a l'heure m'elancoliqueO`u, poussant le soleil oblique,Les t'en`ebres s''etabliront.Leur attitude au sage enseigneQu'il faut en ce monde qu'il craigneLe tumulte et le mouvement;L'homme ivre d'une ombre qui passePorte toujours le ch^atimentD'avoir voulu changer de place.
Je suis la pipe d'un auteur;On voit, `a contempler ma mineD'Abyssinienne ou de Cafrine,Que mon ma^itre est un grand fumeur.Quand il est combl'e de douleur,Je fume comme la chaumineO`u se pr'epare la cuisinePour le retour du laboureur.J'enlace et je berce son ^ameDans le r'eseau mobile et bleuQui monte de ma bouche en feu,Et je roule un puissant dictameQui charme son coeur et gu'eritDe ses fatigues son esprit.
La musique souvent me prend comme une mer! Vers ma p^ale 'etoile,Sous un plafond de brume ou dans un vaste 'ether, Je mets `a la voile;La poitrine en avant et les poumons gonfl'es Comme de la toile,J'escalade le dos des flots amoncel'es Que la nuit me voile;Je sens vibrer en moi toutes les passions D'un vaisseau qui souffre;Le bon vent, la temp^ete et ses convulsions Sur l'immense gouffreMe bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir De mon d'esespoir!
Si par une nuit lourde et sombreUn bon chr'etien, par charit'e,Derri`ere quelque vieux d'ecombreEnterre votre corps vant'e,`A l'heure o`u les chastes 'etoilesFerment leurs yeux appesantis,L'araign'ee y fera ses toiles,Et la vip`ere ses petits;Vous entendrez toute l'ann'eeSur votre t^ete condamn'eeLes cris lamentables des loupsEt des sorci`eres fam'eliques,Les 'ebats des vieillards lubriquesEt les complots des noirs filous.
Ce spectre singulier n'a pour toute toilette,Grotesquement camp'e sur son front de squelette,Qu'un diad`eme affreux sentant le carnaval.Sans 'eperons, sans fouet, il essouffle un cheval,Fant^ome comme lui, rosse apocalyptique,Qui bave des naseaux comme un 'epileptique.Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux,Et foulent l'infini d'un sabot hasardeux.Le cavalier prom`ene un sabre qui flamboieSur les foules sans nom que sa monture broie,Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison,Le cimeti`ere immense et froid, sans horizon,O`u gisent, aux lueurs d'un soleil blanc et terne,Les peuples de l'histoire ancienne et moderne.