Il devait avoir raison : ces structures ne ressemblaient à rien que construiraient des humains. Mais des parasites ont soudain remplacé l’image. Les capteurs du drone étaient tombés en panne, m’a expliqué Oscar. Les autres drones envoyés au même endroit avaient connu le même sort. Oscar a choisi une interprétation optimiste. « Manifestement, les Hypothétiques sont toujours présents sur Terre. Tout aussi manifestement, ils ont détecté la présence des drones et y ont réagi. Ce qui signifie, conclusion à mon avis incontournable, qu’ils ont conscience de
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Sandra et Bose
Kyle, le frère de Sandra, vivait dans une institution appelée Live Oaks Polycare Residential Complex, Complexe Résidentiel Multisoins des Chênes Vivants, située sur le grand terrain d’un ancien ranch. Un ruisseau passait à côté et il y avait bel et bien un bosquet de chênes vivants sur la propriété.
Quand elle avait pris ses dispositions pour y faire placer Kyle, Sandra avait eu la curiosité d’effectuer une recherche sur l’expression « chênes vivants » : pourquoi « vivants » ? Par opposition à
Elle avait testé ce terme sur la réceptionniste, à l’époque où elle venait d’arriver au Texas et se sentait encore gênée par son accent de Nouvelle-Angleterre : « J’aimerais emmener Kyle dans ce
C’était en tout cas devenu un rituel, quand le temps le permettait. La plus grande partie des employés de jour la reconnaissait, à présent, et Sandra savait le nom de la plupart d’entre eux. « C’est encore caniculaire, aujourd’hui, lui dit l’infirmière qui l’aidait à sortir Kyle de son lit et à l’installer dans un fauteuil roulant. Mais votre frère apprécie la chaleur, je crois.
— Il aime l’ombre des arbres. »
Simple conjecture, bien entendu. Kyle n’avait exprimé de préférence ni pour l’ombre des arbres, ni pour quoi que ce soit : il était incapable de marcher, de contrôler ses sphincters ou de prononcer une phrase cohérente. Quand quelque chose le chagrinait, il plissait le visage en poussant des hululements. Quand il se sentait heureux, du moins pas malheureux, il grimaçait une espèce de sourire animal qui dévoilait ses dents et ses gencives. Ses bruits de bonheur étaient de légers soupirs qui se formaient au fond de sa gorge.
Ce jour-là, il sembla ravi de voir sa sœur.
Il y avait une table de pique-nique dans le bosquet, davantage destinée aux visiteurs qu’aux patients, pour la plupart incapables de marcher. Ce jour-là, Kyle et elle eurent l’endroit pour eux. L’ombre, associée à la fraîcheur humide qui semblait monter du ruisseau, rendait la chaleur supportable et presque agréable. Par chance, une brise soufflait. Les feuilles des chênes tremblaient et filtraient la lumière.
Kyle avait cinq ans de plus que Sandra. Avant ce que les docteurs appelaient « son accident », elle avait toujours pu lui parler de ses ennuis. Il avait pris au sérieux son rôle de grand frère, même s’il plaisantait à ce sujet. « Je n’ai aucun conseil pour toi, Sandy », disait-il. Elle ne laissait personne d’autre l’appeler ainsi. « Tous mes conseils sont mauvais. » Mais il lui avait toujours prêté une oreille attentive et bienveillante, ce qui était le plus important.
Elle aimait toujours lui parler, même s’il ne comprenait pas une syllabe de ce qu’elle racontait. Il la suivait du regard quand elle s’adressait à lui, peut-être parce qu’il aimait le son de sa voix, et elle se demandait, malgré les conclusions des neurologistes, s’il ne restait pas un petit fragment de mémoire fonctionnelle en lui, une braise de conscience qui luirait parfois de compréhension.
« J’ai quelques petits problèmes, en ce moment », commença-t-elle.
C’était le Spin qui avait tué son père et détruit son frère.