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Ils se turent pendant quelques instants, effrayés soudain par leur propre audace, puis Djema empila quatre plateaux-repas et s’avança vers la bouche du boyau.

« Tu te donnes bien du mal pour des gens que tu ne connais pas, lâcha-t-elle avant de se glisser dans l’étroite ouverture.

— Ma mère dit que…

— Je ne te parle pas de ta mère, Maran Haudebran, mais de toi ! »

Il eut une expression embarrassée qui vengea en partie Djema de la honte qu’il lui avait occasionnée quelques minutes plus tôt.

« Je… je pense aussi que… que Djema Haudebran est un beau nom, bredouilla-t-il, cramoisi.

— Au revoir. »

Elle disparut dans le conduit. Le petit Kropte resta un moment à l’écoute du frottement du corps de la fillette sur le métal lisse avant de reprendre le chemin des domaines.

« Où les as-tu trouvés ? »

Les femmes regardaient manger Clairia et les enfants en essayant d’oublier leur propre faim.

« Je peux en apporter plus, dit Djema, mais il me faut l’aide d’autres enfants. »

Elle leur avait fait l’effet d’une apparition miraculeuse lorsqu’elle s’était introduite dans la cabine, munie de son précieux chargement.

« Pourquoi des enfants ? » insista Ellula.

Elle avait posé machinalement la question tout en sachant que sa fille n’y répondrait pas. Djema ne dévoilait jamais ses secrets. Elle avait même refusé de laisser sa mère examiner ses plaies au genou et au coude.

« C’est dangereux ? s’inquiéta Sveln.

— Ça deviendra bien plus dangereux ici si nous continuons à perdre du temps. » Djema désigna Pœz et les deux filles de Juna. « Maintenant qu’ils ont le ventre plein, je peux commencer tout de suite avec eux.

— Pas question que mes filles t’accompagnent si tu refuses de dire où tu les emmènes ! se récria Juna. J’ai déjà dû en abandonner deux chez les Kroptes : je ne tiens pas à perdre celles-ci.

— L’inquiétude des parents ne ferait que nous encombrer », répliqua Djema.

Elle prit conscience, à l’infime décalage entre ses pensées et ses paroles, qu’elle s’exprimait par l’intermédiaire de son double. Ellula s’accroupit devant elle et la dévisagea gravement. Jamais Djema n’avait décelé pareille lassitude dans les yeux de sa mère. Un voile gris en ternissait la limpidité, la lumière.

« Il faut que tu admettes qu’on puisse s’inquiéter pour toi, Djema.

— Quand tu t’inquiètes pour moi, maman, tu t’inquiètes en réalité pour toi.

— Toutes les mères redoutent la douleur de la séparation… »

Ellula faillit lui parler de la mort de Laslo, mais la proximité de Clairia l’en dissuada.

« L’ordre cosmique nous relie pour l’éternité, dit Djema. Aie confiance en moi comme tu as confiance en lui.

— Moi j’ai confiance ! s’exclama Pœz en repoussant son plateau et en se relevant.

— Moi aussi ! renchérit Aphya, la fille aînée de Juna.

— Moi aussi ! » s’écria Mung, la cadette.

Les mères n’eurent ni la volonté ni le courage de s’interposer lorsque les quatre enfants sortirent de la cabine et s’éparpillèrent en riant dans la coursive basse.

De quatre, les enfants passèrent le lendemain au nombre de sept, et à dix quelques jours plus tard, cinq filles et cinq garçons, conformément au vœu de Djema. Ils assurèrent bientôt un approvisionnement quotidien de mille plateaux-repas, qu’ils livraient quatre par quatre, soit une quarantaine par voyage. Le bruit se répandit qu’il était désormais possible de se ravitailler dans la cabine d’Abzalon, et des files d’attente de plus en plus longues se formèrent dans la coursive basse. Ellula, Juna et Sveln se chargeaient de répartir les rations selon les besoins, Abzalon, Lœllo, Orgal et Belladore supervisaient les opérations, calmaient les plus agressifs avec courtoisie mais fermeté, vérifiaient que chacun repartait avec son dû. Quelques-uns furent dépouillés dans les niveaux du haut, mais les agressions cessèrent dès le cinquième jour et il ne fut pas nécessaire de recourir aux expéditions punitives pour rétablir l’ordre. Les maigres portions suffisaient à combler les estomacs rétrécis par des jours et des jours de privations. Les célibataires recommencèrent à fréquenter les appartements des mathelles, on vit de nouveau le moncle Artien, qui, pourchassé par trois hommes, s’était réfugié pendant plus de sept jours dans le labyrinthe, arpenter les coursives de sa foulée nerveuse, s’inviter dans les cabines, consoler les femmes qui avaient perdu leur mari, les parents qui pleuraient un enfant, Belladore multiplia les impositions et les invocations pour soulager les plaies physiques et morales, un groupe d’hommes entreprit de recenser la population et dénombra environ quatre mille deux cents survivants, bref, la vie reprit peu à peu ses droits dans les quartiers.

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