Читаем Abzalon полностью

L’A se levait dans une débauche de mauve et de rose qui offrait une somptueuse toile de fond aux scintillements bleus du filet magnétic tendu au-dessus du pénitencier. Les ombres figées et dentelées des monts Qvals se profilaient au-dessus des tours de surveillance du quatrième mur d’enceinte. La brise matinale, déjà tiède, remuait doucement les effluves de charogne et d’excréments qui semblait sourdre directement de la pierre noire des murs. Un cadavre à moitié décomposé, oublié par la morgue automatique, pris d’assaut par les mouches, se balançait mollement au bout du fil de fer qui avait servi à le pendre. Les marches, les planchers à claire-voie, les grillages tremblaient et grinçaient à chacun des pas des deux hommes.

Une venelle jonchée de détritus donnait directement sur le rez-de-chaussée du bâtiment où s’entassaient les deks. Les constructions adjacentes, anciennement le réfectoire et le bloc sanitaire, avaient été fermées depuis deux ans. On dormait, on mangeait, on se vidait, on s’étripait dans deux mille cellules qui, réparties sur dix étages, contenaient chacune une quarantaine de détenus sur une surface de vingt mètres carrés.

L’odeur se faisait suffocante lorsqu’on venait du dehors et qu’on s’introduisait à l’intérieur du bâtiment. Abzalon et Lœllo, qui ne s’étaient pourtant absentés qu’une nuit, eurent la sensation de pénétrer dans une fosse excrémentielle. Comme ils logeaient au troisième étage, ils durent d’abord franchir un premier couloir sombre, puis tourner deux fois à droite pour rejoindre l’unique escalier tournant qui desservait les autres niveaux. Les baies disposées aux extrémités des couloirs et dépourvues de vitres depuis des lustres constituaient les seules sources de clarté avec les torches de tissu et de peaux séchées de rondat que confectionnaient les deks. De la peinture jaune originelle ne subsistaient que des taches rongées peu à peu par les moisissures et qui s’associaient à la noirceur des pierres, au gris du béton et à la rouille des éléments métalliques pour composer un tableau particulièrement sinistre. Par les portes restées ouvertes, Abzalon et Lœllo virent que la plupart des détenus dormaient encore. Les jambes et les bras de bon nombre d’entre eux dépassaient des couchettes exiguës, s’entremêlaient, dessinaient d’étranges figures géométriques. Certains, éjectés par un codétenu plus corpulent ou plus agressif, dormaient à même le sol au milieu des rigoles d’urine qui s’écoulaient des latrines sommaires dissimulées par un paravent de bois. Des gémissements, des cris étouffés, des éclats de voix s’élevaient au milieu des ronflements. Des rondats effrayés tournaient en rond dans des cages rafistolées avec des morceaux de bois et des pans de grillage. Chaque cellule disposait ainsi de sa réserve de viande fraîche. Les deks égorgeaient les petits rongeurs puis, après avoir bu leur sang, ils se partageaient la viande crue et les viscères. Les insatiables, dont Abzalon, ne dédaignaient pas les intestins, qu’ils vidaient et nettoyaient de façon succincte avec des chiffons piqués au bout d’une tige en fer, et tant pis pour le goût prononcé de merde.

Seul le sexe n’était pas toléré dans les chambrées, qu’il fût le résultat d’un consentement mutuel ou d’un viol. Lœllo avait souvent été traîné à la nuit tombante sur le toit du bâtiment, une immense terrasse où avaient été dressés, à l’aide de matériaux de récupération, des sortes de box à ciel ouvert garnis de vieux matelas. Amant attitré d’un chef de bande ou souffre-douleur d’une poignée de brutes, il avait passé là-haut des heures interminables, douloureuses, humiliantes. Il n’y avait plus remis les pieds depuis qu’Abzalon l’avait pris sous son aile, mais le dégoût de lui-même et des êtres humains en général l’imprégnait désormais comme une odeur indélébile.

Il avait été dévoré par l’inquiétude après avoir tué les deux derniers hommes de Fonch. Il les avait entendus parler avant de les ajuster avec ses étoiles à six branches, en avait déduit que son protecteur leur avait échappé, mais la présence de la mystérieuse créature dans les sous-sols du pénitencier et le danger représenté par les puits bouillants lui avaient fait craindre le pire. Bien qu’Abzalon fût la parfaite antithèse des critères de beauté généralement admis sur Ester, Lœllo l’avait trouvé beau lorsqu’il était sorti de la pénombre de la galerie, nu comme un ver, souillé de terre et de sang séché, précédé d’une âpre odeur d’urine.

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