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On déshabilla Ellula, on la poussa sous la douche, on soigna ses plaies à l’aide d’un onguent antiseptique que Samya avait réussi à soustraire à la vigilance des gardes de l’astroport, puis on l’emmitoufla dans un ample drap de bain. Ensuite on raccommoda sa robe et sa coiffe avec les fils qu’on avait récupérés sur les jupons et les corsets dont le port était devenu superflu. La dextérité des ventres-secs émerveilla Ellula. Elle se servaient, pour aiguilles, de baleines de corset qu’elles avaient sectionnées et aiguisées sur les angles métalliques des couchettes. Elles avaient déjà constitué une réserve importante de pelotes de laine qu’elles utilisaient à ravauder les vêtements, à confectionner des housses qu’elles bourraient ensuite d’étoupe pour en faire des matelas. Leur condition d’errantes sur le continent Sud, leur extrême dénuement les avaient habituées à ne rien gaspiller, à tirer le meilleur parti des brimborions qui leur tombaient sous la main. Tout en cousant, elles évoquaient certains épisodes de leur ancienne existence, leurs marches harassantes à travers les collines, l’accueil méprisant des épouses, les premières, les plus redoutables, les gardiennes du foyer à qui il ne manquait que le collier pour parachever la ressemblance avec un aro domestique, les visites nocturnes des patriarches ou de leurs fils dans les étables où elles dormaient. Dans un grand éclat de rire, certaines déclarèrent qu’elles avaient déniaisé quelques puceaux et rendu un fier service à leurs futures épouses. La crudité de leur langage choqua d’abord Ellula, puis l’amusa. Leurs commentaires grivois, savoureux, tournaient presque toujours autour du « dardelet » ou de « l’aiguillonnet » de ces messieurs. Elles en détaillaient la forme, la consistance, la longueur, la grosseur, soutenant que la plupart d’entre eux avaient une tendance désespérante à la précocité, à la maladresse ou à la paresse. Ellula devinait qu’elles en rajoutaient, qu’elles éprouvaient le besoin de brocarder ceux qui les avaient traitées avec moins de considération que leurs yonaks ou leurs aros, d’embellir ou d’exorciser par le verbe un passé particulièrement douloureux. Assise sur une couchette, Samya ne fut pas la dernière à décrire les épisodes croustillants qui avaient jalonné son vagabondage. Ces confidences intimes étaient également une manière d’inclure la nouvelle arrivante dans leur cercle, dans leur famille, et Ellula leur en fut reconnaissante.

Elles lui remirent sa robe après l’avoir agrémentée de broderies colorées qui dissimulaient les piqûres du ravaudage. Puis elles lui installèrent le matelas dans un coin de la pièce, entre les deux couchettes superposées et la couchette basse. Enfin, à l’aide des pointes des baleines et des couteaux en plastique fournis avec les plateaux-repas, elles prélevèrent des bandes de leurs propres couvertures pour les assembler entre elles et en confectionner une supplémentaire.

Ellula s’installa peu à peu dans sa nouvelle vie. De ses trois compagnes de chambrée, deux étaient inséparables, Mohya et Sveln, âgées toutes les deux d’une trentaine d’années. Elles s’embrassaient, se disputaient, se réconciliaient comme un véritable couple. Au milieu de la nuit – les huit ou neuf heures qui correspondaient à la nuit –, elles sortaient de la chambre, munies chacune de leur couverture, et ne revenaient qu’avant le premier déjeuner. La troisième, Clairia, avait un physique ingrat qui la faisait paraître beaucoup plus vieille que ses vingt-deux ans, une difformité soulignée par sa timidité, par sa gaucherie, par ses difficultés d’élocution. Cependant, tous ces défauts s’effaçaient comme par magie lorsqu’elle se mettait à chanter. Elle se métamorphosait alors, son visage grêlé, ses traits grossiers, sa maigreur maladive s’estompaient devant la pureté de sa voix. Après le dîner, nombreuses étaient les ventres-secs qui venaient l’écouter sur l’unique place octogonale du niveau 20. Elle entonnait des chants traditionnels du continent Sud, dont les accents nostalgiques, surgis d’un passé lointain, peut-être même antérieur à la civilisation kropte, bouleversaient ses auditrices. Des larmes silencieuses venaient aux yeux d’Ellula. Elle ne pleurait pas sur elle-même ni sur ses parents, mais sur l’humanité dont toute la souffrance semblait contenue dans la voix pure et triste de Clairia.

Elle apprit à tricoter, à ravauder, à dévider, à embobiner les fils de laine. Elle ne craignait plus d’être jetée en pâture à Isban Peskeur, car le patriarche n’était pas du genre à se révolter contre une sentence de l’eulan Paxy, mais elle continuait de redouter une intrusion d’Eshan : lui s’était engagé dans une logique de violence qui conduisait à tous les excès, à toutes les folies.

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