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«Ainsi sachant le temps perdu en funérailles, car des hommes creusent la terre pour y enfermer la dépouille du mort, lesquels eussent pu consommer ce temps à labourer et moissonner, j'interdirai cependant ces bûchers où l'on brûle les cadavres, car peu m'importe le temps gagné quand j'y perds d'abord l'amour des morts. Car je n'ai point trouvé de plus belle image pour le servir que la tombe où les proches vont cherchant à petits pas la pierre des leurs parmi les pierres, et le sachant rentré en terre comme une vendange, et redevenu pâte naturelle. Et sachant cependant qu'il reste de lui quelque chose, une relique dans son ossuaire, la forme d'une main qui a caressé, l'os du crâne, ce coffre aux trésors, vide sans doute mais qui fut rempli par tant de merveilles. Et j'ai ordonné que l'on bâtît, quand cela était possible, encore plus inutile et coûteuse, une maison pour chaque mort afin que l'on y puisse se réunir aux jours de fête et comprendre, non avec sa seule raison, mais dans tous les mouvements de l'âme et du corps, que morts et vivants se joignent l'un l'autre et ne font qu'un arbre qui grandit. Ayant coutume de voir le même poème, la même courbe de carène, la même colonne traverser les générations en s'embellissant et en s'épurant, car l'homme certes est périssable si nous le regardons de face, comme des myopes qui se tiennent trop près, mais non dans l'ombre qu'il projette, dans le reflet qu'il laisse de lui. Et si j'économise le temps perdu à ensevelir les cadavres et à leur bâtir une demeure, et que, ce temps perdu, je désire le faire servir à lier la chaîne des générations, pour qu'à travers elle la création monte droit vers le soleil comme un arbre, si je décrète cette ascension plus digne de l'homme que l'accroissement du tour de ventre, alors le temps gagné dont je dispose, je le ferai servir, ayant bien pesé son usage, à l'ensevelissement des morts.

«L'ordre que je fonde, disait mon père, c'est celui de la vie. Car je dis qu'un arbre est en ordre, malgré qu'il soit à la fois racines et tronc et branches et feuilles et fruits, et je dis qu'un homme est en ordre, malgré qu'il ait un esprit et un cœur, et ne soit point réduit à une fonction, comme le serait de labourer ou de perpétuer l'espèce, mais qu'il soit à la fois celui qui laboure et qui prie, qui aime et résiste à l'amour, et travaille et se repose, et écoute les chansons du soir.

«Mais tels ont reconnu que les empires glorieux étaient en ordre. Et la stupidité des logiciens, des historiens et des critiques leur a fait croire que l'ordre des empires était mère de leur gloire, quand je dis que leur ordre comme leur gloire était le fruit de leur seule ferveur. Pour créer l'ordre je crée un visage à aimer. Mais eux se proposent l'ordre comme une fin en soi, et un tel ordre, quand on dispute sur lui, et le perfectionne, devient d'abord économie et simplicité. Et l'on t'élude ce qui est difficile à énoncer, alors que rien de ce qui importe véritablement ne s'énonce et que je n'ai point connu encore un professeur qui sût me dire simplement pourquoi j'aimais le vent dans le désert sous les étoiles. Et l'on s'accorde sur l'usuel car est aisé le langage qui exprime l'usuel. Et l'on peut dire sans craindre un démenti qu'il vaut mieux trois sacs d'orge qu'un seul. Bien que je pense apporter plus aux hommes si, simplement, je les oblige, pour qu'ils aient bu de ce breuvage qui rend vaste, de marcher quelquefois la nuit sous les étoiles dans le désert.

«L'ordre est le signe de l'existence et non sa cause. De même que le plan du poème est signe qu'il est achevé et marque de sa perfection. Ce n'est point au nom d'un plan que tu travailles, mais tu travailles pour l'obtenir. Mais eux qui disent à leurs élèves: «Voyez cette grande œuvre et l'ordre qu'elle montre. Fabriquez-moi d'abord un ordre, ainsi votre œuvre sera grande», quand l'œuvre alors sera squelette sans vie et détritus de musée.

«Je fonde l'amour du domaine et voilà que tout s'ordonne et la hiérarchie des métayers, des bergers et des moissonneurs et le père à la tête. Comme s'ordonnent les pierres autour du temple quand tu leur imposes de servir à glorifier Dieu. Alors l'ordre naîtra de la passion des architectes.

«Ne trébuche donc point dans ton langage. Si tu imposes la vie tu fondes l'ordre et si tu imposes l'ordre tu imposes la mort. L'ordre pour l'ordre est caricature de la vie.»


LXVI


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