– Il va nous falloir des victoires et conqu^etes, des sabres, des panaches, des g'en'eraux. Nous sommes partis pour la gloire. Je sens cela en moi; mon coeur bat au r'ecit des exploits de nos vaillantes arm'ees. Et quand j’'eprouve un sentiment, il est rare que tout le monde ne l’'eprouve pas en m^eme temps. Ce qu’il nous faut, ce sont des guerriers et des femmes, Mars et V'enus.
– Citoyen Blaise, j’ai encore chez moi deux ou trois dessins de Gamelin, que vous m’avez donn'es `a graver. Est-ce press'e ?
– Nullement.
– `A propos de Gamelin: hier, en passant sur le boulevard du Temple, j’ai vu chez un brocanteur, qui a son 'echoppe vis-`a-vis la maison de Beaumarchais, toutes les toiles de ce malheureux. Il y avait l`a son Oreste et 'Electre. La t^ete de l’Oreste, qui ressemble `a Gamelin, est vraiment belle, je vous assure… la t^ete et le bras sont superbes… Le brocanteur m’a dit qu’il n’'etait pas embarrass'e de vendre ces toiles `a des artistes qui peindront dessus… Ce pauvre Gamelin ! il aurait eu peut-^etre un talent de premier ordre, s’il n’avait pas fait de politique.
– Il avait l’^ame d’un criminel ! r'epliqua le citoyen Blaise. Je l’ai d'emasqu'e, `a cette place m^eme, alors que ses instincts sanguinaires 'etaient encore contenus. Il ne me l’a jamais pardonn'e… Ah ! c’'etait une belle canaille.
– Le pauvre garcon ! Il 'etait sinc`ere. Ce sont les fanatiques qui l’ont perdu.
– Vous ne le d'efendez pas, je pense, Desmahis !… Il n’est pas d'efendable.
– Non, citoyen Blaise, il n’est pas d'efendable.
Et le citoyen Blaise, tapant sur l’'epaule du beau Desmahis:
– Les temps sont chang'es. On peut vous appeler « Barbaroux », maintenant que la Convention rappelle les proscrits… J’y songe: Desmahis, gravez-moi donc un portrait de Charlotte Corday.
Une femme grande et belle, brune, envelopp'ee de fourrures, entra dans le magasin et fit au citoyen Blaise un petit salut intime et discret. C’'etait Julie Gamelin; mais elle ne portait plus ce nom d'eshonor'e: elle se faisait appeler « la citoyenne veuve Chassagne » et 'etait habill'ee, sous son manteau, d’une tunique rouge, en l’honneur des chemises rouges de la Terreur. »
Anatole France – Анатоль Франс (1844–1924), настоящее имя Франсуа Анатоль Тибо (Francois-Anatole Thibault). Известный французский писатель и литературный критик III Республики. Занимал активную гражданскую позицию, считался нравственным и литературным авторитетом своего времени. Член Французской академии (1896). В 1921 г. получил Нобелевскую премию по литературе «за блестящие литературные достижения, отмеченные изысканностью стиля, глубоко выстраданным гуманизмом и истинно галльским темпераментом».
«Les Dieux ont soif» – «Боги жаждут» (1912), роман Анатоля Франса, действие которого происходит во время Французской революции (1789–1794). А. Франс точно воссоздает политическую обстановку и повседневную жизнь эпохи, основываясь на многочисленнных документах того времени, которые он хорошо изучил. Названием романа стала последняя фраза последнего номера газеты однокашника Робеспьера Камиля Демулена, где она выдаётся за слова, сказанные испанскими священниками Монтесуме.
Convention
Comit'e
Jacobins
Niv^ose
Beaumarchais – Пьер-Огюстен Карон де Бомарше (1732–1799), французский драматург и публицист, автор таких известных комедий, как «Женитьба Фигаро» и «Севильский цирюльник», благодаря которым был одним из самых популярных драматургов Франции того времени