Alors, de nouveaux Jйrйmie pleureront sur les marbres а la lumiиre misйricordieuse de la nuit... les somptueux palais de ces belles et fiиres collines tomberont dans un funeste tourbillon de terreur et sur leurs monuments d'orgueil, d'йgoпsme et de vanitй, gйmiront les vents tristes des nuits silencieuses et dйsertes...
Heureux tous ceux qui pleureront maintenant par amour pour le Divin Maоtre ; heureux tous ceux qui verseront leur sang pour les sublimes vйritйs de l'Agneau, car au ciel il existe des demeures divines pour les bien-aimйs de Jйsus...
L'йmissaire de l'йglise d'Antioche parlait а la fois d'une voix douce et terrible et ses paroles rйsonnaient dans le profond silence des voыtes inhabitйes.
Prиs de deux cents personnes se trouvaient lа а l'йcouter attentivement.
Presque tous les chrйtiens prйsents pleuraient d'extase. Au fond de ces вmes planait une exaltation suave et mystique leur faisant ressentir les douces йmotions de tous ces apфtres anonymes qui йtaient tombйs dans les arиnes des cirques ignominieux pour cimenter de leur sang et de leurs larmes l'йdification de la nouvelle foi.
Aprиs les singuliиres et graves prophйties qui remplirent tous les regards d'une lueur indйfinissable de joie intйrieure devant la vision anticipйe du glorieux royaume de Jйsus, Jean fut consultй par de nombreux frиres sur divers sujets d'intйrкt gйnйral pour la bonne marche et le dйveloppement de la nouvelle doctrine, comme cela se produisait lors des premiиres assemblйes du christianisme naissant, et rйpondait а tous avec la plus franche expression de bontй fraternelle.
Interpellй par l'une des personnes prйsentes quant au motif de sa joie radieuse alors que les rйvйlations du Saint-Esprit annonзaient de si grandes йpreuves et tant de souffrances, le gйnйreux йmissaire rйpondit avec un sublime optimisme :
Oui, mes amis, nous ne pouvons attendre que l'accomplissement sacrй des prophйties annoncйes, mais nous devons considйrer avec joie que si Jйsus permet aux Impies la rйalisation de monuments merveilleux comme ceux de cette ville somptueuse et corrompue, que ne rйserve-t-il pas dans son infinie misйricorde aux hommes bons et justes dans les clartйs de son royaume ?
Ces rйponses consolatrices tombaient dans l'вme de la grande assemblйe comme un baume apaisant.
Dans une ambiance de douces joies et de fraternitй, tous йchangeaient des paroles de sympathie et des salutations amicales.
Une lueur de joie profonde brillait dans les yeux calmes de Livia et d'Anne.
А la fin de la rйunion, tous se levиrent pour les priиres humbles et spontanйes puisйes а la source pure des premiиres leзons du christianisme.
Brillante et claire, la voix de l'йmissaire d'Antioche se fit entendre encore une fois :
Notre Pиre qui кtes aux cieux, que votre nom soit sanctifiй, que votre rиgne de misйricorde vienne а nous, que votre volontй soit faite sur la terre, comme au ciel...
Mais а cet instant, sa douce et йmouvante parole fut couverte par un sinistre tintement d'armures.
C'est ici, Luculus !... - cria la voix de stentor du centurion Claudius Varus qui avanзait avec ses nombreux prйtoriens vers la foule stupйfaite des chrйtiens dйsarmйs, constituйe dans sa majoritй de femmes.
Quelques croyants plus vйhйments se mirent а йteindre les torches. Les tйnиbres provoquиrent alors la confusion et le tumulte, mais Jean de Clйophas descendit de la tribune le visage radieux et impressionnant.
Mes frиres - s'йcria-t-il d'une voix йtrange et vibrante dans son appel, comme saturйe d'un extraordinaire magnйtisme -, le Seigneur nous a recommandй de ne jamais cacher la lumiиre sous le boisseau ! N'йteignez pas la clartй qui doit illuminer notre exemple de courage et de foi !...
А ce moment-lа, deux centurions prйsents avaient dйjа mis en place leurs forces et rйparti les cinquante hommes qui йtaient venus sous leurs ordres dans l'hypothиse d'une rйsistance.
On vit alors а la stupeur silencieuse des participants, l'apфtre d'Antioche s'avancer avec courage et s'adresser а Luculus Quintilius en lui tendant ses bras pacifiques et en sollicitant avec assurance :
Centurion, accomplis ton devoir sans crainte car je ne suis venu а Rome que pour les gloires du sacrifice.
Le prйposй de l'Empire ne s'йmut pas de ces paroles et, aprиs avoir brandi а la face du missionnaire la garde de son йpйe, immйdiatement il lui attacha les bras, empкchant ainsi tous mouvements.
Deux jeunes croyants rйvoltйs par une telle cruautй, laissиrent libre cours а leur tempйrament ardent et sincиre, ils dйgainиrent leurs armes qui brillиrent а la clartй pвle de la pйnombre et s'avancиrent vers les soldats dans un geste suprкme de dйfense et de rйsistance. Mais .Iran de Clйophas, par sa parole magnйtique et profonde, 1rs avertit encore une fois :
Mes enfants, ne rйpйtez pas dans cette enceinte la douloureuse scиne d'arrestation du
Messie.
Souvenez-vous de Malcus et gardez votre йpйe dans sa gaine, parce que ceux qui blessent par le fer, avec le fer seront blessйs...