Aimablement reзu par l'ancien esclave qui le connaissait personnellement, le licteur sollicita la prйsence d'Anne avec qui il dйsirait avoir un entretien en particulier pour rйsoudre une certaine affaire.
Le vieil affranchi de Lentulus n'hйsita pas а l'appeler. Sulpicius l'enveloppa de regards cupides et ardents.
А la fois intriguйe et respectueuse, la domestique lui demanda la raison de cette visite inattendue. Tarquinius rйpondit qu'il s'agissait d'une courte entrevue avec Livia en privй, il en profita pour dйmontrer а la pauvre jeune fille ses prйtentions inconfessables en lui faisant les avances les plus indignes et les plus insolentes.
Une fois qu'il eut prononcй ses paroles insultantes d'une voix йtouffйe qu'Anne йcouta extrкmement pвle avec le maximum d'attention et la plus grande patience afin d'йviter tout scandale а son йgard, la digne employйe rйpondit sur un ton austиre et courageux :
Seigneur licteur, j'appellerai madame pour rйpondre а votre demande dans quelques instants.
Quant а moi, je dois vous dire que vous vous trompez car je ne suis pas celle que vous supposez.
Et se dirigeant rйsolument vers l'intйrieur, elle informa sa maоtresse de l'insistance de Sulpicius pour lui parler personnellement. Livia fut non seulement surprise par cet йvйnement inattendu, mais aussi par l'expression de sa servante, prise d'une extrкme pвleur aprиs le choc endurй. Anne dйcida de ne pas lui faire part de ce qui s'йtait passй et murmura :
Madame, le licteur Sulpicius semble pressй. Je pense que vous ne devez pas perdre de temps.
Et bien que n'йtant pas enthousiasmйe а cette idйe, Livia fit en sorte de rйpondre au messager avec la plus grande attention.
En sa prйsence, le licteur s'inclina avec une profonde rйvйrence et afin d'accomplir son devoir, il s'adressa а elle respectueusement :
Madame, je viens de la part de Monsieur le procurateur de Judйe qui a l'honneur de vous communiquer son arrivйe а Capharnaum au dйbut de la semaine prochaine...
Les yeux de Livia brillиrent d'une indignation justifiйe, alors que d'innombrables conjectures assaillaient son esprit. Nйanmoins, elle se reprit et trouva le courage nйcessaire pour rйpondre а la hauteur des circonstances :
Monsieur le licteur, je remercie la gentillesse de vos propos ; toutefois, il est de mon devoir de vous informer que mon mari est en voyage actuellement et notre maison ne reзoit personne en son absence.
Puis, elle fit un petit signe pour lui faire sentir qu'il йtait temps de prendre congй, ce que Sulpicius comprit profondйment irritй. Il se retira en prononзant des rйvйrences respectueuses.
Surpris par cette attitude car dans l'esprit du licteur la prйvarication de Livia йtait un fait incontestable, il s'en alla grandement dйsappointй, mais non sans conjecturer de la situation dans sa malice dйpravйe.
Ce fut ainsi qu'il se retrouva avec un des soldats qui gardait la rйsidence qu'il connaissait bien puisque c'йtait un ami personnel, et feignant d'кtre intйressй il lui fit remarquer :
Octavius, je serai peut-кtre de retour avant une semaine et je dйsirerais revoir le joyau rare de mon bonheur et de mes espйrances qui se trouve dans cette maison...
De quel joyau s'agit-il ? - demanda curieux l'interpellй.
Anne...
Trиs bien. Le service que tu me demandes est facile.
Mais, йcoute-moi bien - lui fit le licteur qui pressentait dйjа que sa proie ferait tout pour lui йchapper. - Anne a l'habitude de s'absenter frйquemment et, si c'йtait le cas, j'espиre que ton amitiй ne me fera pas dйfaut le moment opportun venu et que tu sauras m'en informer...
Tu peux compter sur moi.
De retour а l'intйrieur, Livia qui avait l'вme oppressйe, confia а son amie et servante dйvouйe les pйnibles prйsomptions qui pesaient а son cњur. Aprиs avoir exprimй ses craintes, qu'Anne considйra pleinement justifiйes, а son tour, celle-ci l'informa des insolences de Sulpicius. La pauvre femme avoua а sa confidente simple et gйnйreuse, le rosaire infini de ses amertumes, lui relatant toutes les souffrances qui lacйraient son вme affectueuse et extrкmement sensible depuis le premier jour oщ la
calomnie avait trouvй refuge dans l'esprit orgueilleux de son compagnon. Devant ce singulier rйcit, les larmes de la servante reflйtaient sa grande comprйhension des angoisses de sa maоtresse perdue dans ces contrйes presque sauvages, vu son йducation et la noblesse de ses origines.
Pour finir le pйnible rйcit de ses malheurs, la noble Livia souligna avec une indicible amertume :
En vйritй, j'ai tout fait pour йviter des scandales injustifiables et incomprйhensibles. Nйanmoins maintenant, je sens que la situation s'aggrave de plus en plus, au vu de l'insistance de mes bourreaux et de la nйgligence de mon mari en raison des йvйnements, et je me perds en conjectures arriйrйes et douloureuses.