Le lendemain, avant l'aube, une humble caravane quittait Capharnaыm. Elle йtait composйe de Livia, de sa fillette, d'Anne et de l'un de ses vieux et respectables parents. Elle se dirigeait vers la route qui contournait le grand lac faisant presque un capricieux demi-cercle, accompagnant le cours des eaux du Jourdain qui descendaient susurrantes et tranquilles vers la mer Morte.
Ils firent une courte pause а Naпm oщ us changиrent d'animaux, puis les voyageurs suivirent le mкme itinйraire en direction de la vallйe de Sichem oщ, en fin de journйe, ils arrivиrent devant la maison en pierre de Simйon qui reзut ses hфtes en pleurant de joie.
L'ancien de Samarie semblait touchй par la grвce divine telle йtait grande la force du mouvement remarquable qu'il dйveloppait dans toute la rйgion oщ, malgrй son вge avancй, il rйpandait les enseignements consolateurs du prophиte de Nazareth.
Parmi les oliviers ombreux et touffus, il avait dressй une grande croix lourde en bois brut. Il avait aussi placй а proximitй une longue table rustique autour de laquelle s'asseyaient les croyants sur de pauvres bancs improvisйs pour entendre sa parole amicale et rйconfortante.
Cinq jours de bonheur s'йcoulиrent ainsi pour les deux femmes qui se sentaient bien dans cette ambiance pleine d'humilitй.
Dans l'aprиs-midi, sous les caresses de la nature libre et saine, au sein d'un paysage vert et harmonieux, l'assemblйe humble des Samaritains se rйunissait, prкte а accepter les pensйes d'amour et de misйricorde sublime du Messie nazarйen.
Simйon vivait lа sans compagne, Dieu l'avait dйjа emportйe, et sans ses enfants qui а leur tour avaient dйjа fondй leur propre famille dans des villages lointains. Il assumait la direction de tous, tel un vйnйrable patriarche dans sa sйnilitй sereine. Il relatait les faits de la vie de Jйsus comme si l'inspiration divine lui йtait insufflйe dans ces moments telle йtait profonde la beautй philosophique des commentaires et des priиres improvisйes qu'il professait avec l'aimante sincйritй de son cњur.
Dans cette poйsie simple de la nature, presque tout le monde pleurait d'йmotion et d'йblouissement spirituel comme s'ils йtaient encore lа а boire les paroles du Maоtre prиs du mont Garizim, touchйs par ses paroles profondes et affectueuses, magnйtisйs par la beautй de ses йvocations remplies d'enseignements rares de charitй et de tendresse.
А cette йpoque, les chrйtiens ne possйdaient pas les Йvangiles йcrits qui, rйdigйs par les Apфtres, ne firent leur apparition qu'un peu plus tard, raison pour laquelle tous les prкcheurs de la Bonne Nouvelle recueillaient les maximes et les leзons du Maоtre de leur propre main ou avec le concours des scribes de l'йpoque, enregistrant ainsi les enseignements de Jйsus pour l'йtude nйcessaire lors des assemblйes publiques dans les synagogues.
Simйon, qui ne possйdait pas de synagogue, suivait nйanmoins la mкme mйthode.
Avec la patience qui le caractйrisait, il avait йcrit tout ce qu'il savait sur le Maоtre de Nazareth pour le rappeler dans ses rйunions humbles et sans prйtention. Il se tenait volontiers prкt а transcrire toutes les nouvelles leзons dont pouvaient se souvenir ses compagnons ou ces apфtres anonymes du christianisme naissant qui, de passage dans son vieux village, traversaient la Palestine de toutes parts.
Cela faisait six jours que les hфtes se ressourзaient dans cette douce ambiance, lorsque le respectable vieillard, un bel aprиs-midi, lors de ses йvocations habituelles sur le Messie, sembla touchй d'une influence spirituelle des plus sublimes.
Les derniиres lueurs du crйpuscule versaient sur le paysage des tons йmeraude et topaze йthйrйs sous un ciel bleu indйfinissable.
Au cњur de l'assemblйe hйtйrogиne, on pouvait remarquer la prйsence de crйatures souffrantes de toutes sortes qui rappelaient а Livia l'aprиs-midi mйmorable de Capharnaum lorsqu'elle avait entendu le Seigneur pour la premiиre fois. Des hommes en guenilles et des femmes en haillons aux cфtйs d'enfants chйtifs fixaient anxieusement. le vieillard qui leur donnait des explications, йmu, avec ses mots simples et sincиres :
Mes frиres, si vous aviez vu la douce rйsignation du Seigneur а cet ultime instant !... Et comme s'il jouissait dйjа de la contemplation des bйatitudes cйlestes au royaume de notre Pиre, le regard fixe tournй vers le ciel, j'ai vu le Maоtre pardonner charitablement toutes les injures ! Seul un de ses disciples les plus chers йtait restй au pied de la croix а soutenir sa mиre dans cette lutte angoissante !... De ses compagnons habituels, peu йtaient prйsents en cette heure douloureuse, certainement parce que nous, qui l'aimions tant, ne pouvions exprimer nos sentiments devant la foule furieuse sans courir nous-mкmes de graves dangers. Et pourtant, nous aurions tous dйsirй йprouver les mкmes souffrances !...
De temps en temps, l'un ou l'autre de ses bourreaux les plus intrйpides s'approchait du corps torturй de martyre et lui lacйrait la poitrine avec la pointe d'une lance impitoyable !...