Il y a 2000 ans

Et pourtant, ma bonne amie - murmura le sйnateur йmu, comme pour se dйfendre devant la noble patricienne -, je remarque que Livia est toujours une crйature simple et modeste qui n'exige rien de moi qui soit du domaine de l'exorbitant ou du superflu. Pendant presque dix-sept annйes de sйparation а l'intйrieur de notre foyer, elle ne m'a fait qu'une seule demande, celle de pouvoir poursuivre ses pratiques chrйtiennes en compagnie d'une ancienne servante de notre maison. Une autorisation que j'ai йtй obligй de lui accorder, considйrant la continuitй de son renoncement silencieux et triste au sein de notre foyer.

J'estime aussi que c'est bien peu demander, d'autant que de nos jours toutes les femmes en ville ont pour habitude d'exiger de leur mari les plus grandes extravagances de luxe venues d'Orient ; cependant, je dois te conseiller de conserver intactes nos traditions les plus chиres et d'attendre quelque temps encore avant d'oublier les йvйnements pйnibles du passй, afin de voir si Livia profitera de notre attitude persistante et reviendra finalement а nos traditions et а nos croyances !...

Un pйnible silence se fit alors sentir, entre eux deux, une fois ces paroles prononcйes.

Calpurnia supposait avoir accompli son devoir et Publius se retira cette nuit-lа plus dйcouragй que jamais.

Quelques jours plus tard, parvenant а ses fins, Agrippa partait en direction d'Avenio, malgrй les priиres de son frиre et de Flavia pour qu'il attendоt la cйlйbration du mariage. Sa rйsolution nйanmoins йtait irrйversible et le fils le plus вgй de Flaminius, affaibli sous le poids de ses dйsillusions, allait s'absenter de Rome pendant quelques annйes longues et pйnibles.

Les jours passиrent rapidement et se voyant complиtement abandonnйe par l'homme de sa prйfйrence, Aurйlia, rongйe de dйpit, dйcida d'accepter la main dйvouйe et affectueuse que le jeune Emilien Lucius lui offrait.

Fulvia, qui suivait ses luttes en silence, obsйdйe par de redoutables sentiments, avait dйcidй d'attendre pour exercer ses sinistres reprйsailles.

Bientфt, le mariage de Pline et de Flavia fut cйlйbrй dans une somptuositй discrиte au palais de l'Aventin. Le fiancй plein de rйcompenses militaires et de titres honorifiques, ainsi que sa future compagne touchйe d'une beautй indйfinissable et d'une adorable simplicitй, йtaient heureux comme si le bonheur parfait se rйsumait aussi uniquement а l'йternelle fusion de leur cњur et de leur вme. Ce jour-lа reprйsentait indubitablement l'heure la plus sacrйe et la plus belle de leur existence.

Dans l'assistance trиs restreinte qui se composait des relations les plus proches, on pouvait remarquer la prйsence d'un homme encore jeune qui se distinguait dans ce tableau caractйrisй essentiellement par le style de l'йpoque.

Ses yeux impйtueux et ardents s'йtaient posйs sur la fiancйe avec un intйrкt mystйrieux et йtrange.

Cet homme йtait Saul de Gioras qui, aprиs avoir abandonnй le nom de son pиre, exhibait maintenant une nouvelle identitй romaine, conformйment а l'ancienne autorisation de Flaminius, afin de valoriser davantage l'expression sociale de sa fortune.

En vain, le sйnateur avait fait son possible pour identifier ce juif, qu'il pensait кtre une vieille connaissance personnelle. Saul, nйanmoins, avait reconnu son bourreau d'autrefois ; il l'avait reconnu et avait gardй le silence, refreinant les fortes йmotions qui bouillonnaient en son for intйrieur, car comme son pиre, son cњur projetait de se venger cruellement.

LES DESSEINS DES TЙNИBRES

Aprиs les cйrйmonies du mariage de Pline, contre toute attente, l'affranchi juif ne retourna pas а Massilia prйtextant que de nombreuses affaires le retenaient dans la capitale de l'Empire.

Installй dans l'hфtel particulier des Sйvйrus oщ avaient amйnagй les jeunes mariйs auprиs de Calpurnia, Saul eut plusieurs fois l'occasion de s'entretenir avec le sйnateur Publius Lentulus avec qui ы eut diffйrents йchanges sur la Judйe et ses rйgions importantes.

Intriguй par ce regard ardent et les traits de son visage qui ne lui йtaient pas totalement йtrangers, et se souvenant parfaitement de ce pиre qui йtait venu le voir anxieux et angoissй а Jйrusalem, le sйnateur profita de l'un de ses entretiens privйs avec le singulier inconnu pour lui poser cette question inattendue :

Seigneur Saul, puisque vous кtes nй dans les environs de Jйrusalem, votre pиre ne s'appellerait-il pas, par hasard, Andrй de Gioras ?

L'affranchi se mordit les lиvres, face а cette interrogation directe concernant le sujet le plus dйlicat de son existence et rйpondit sournoisement :