Il y a 2000 ans

La jeune patricienne sentit plier son cњur sous le coup d'une jalousie presque fйroce ; mais apprйhendant les devoirs qui lui incombaient en de telles circonstances, elle retrouva ses esprits pour rйagir face а ce premier choc d'йpreuves et fit son possible pour rйpondre au jeune Juif avec la plus sйvиre et la plus sage noblesse :

Je vous remercie, - dit-elle reconnaissante - et je comprends tout l'intйrкt de cette information ; nйanmoins, rien ne m'autorise а douter de la bonne foi de mon mari qui d'ailleurs а mes yeux de femme et d'йpouse reprйsente tous mes idйaux !

Madame - objecta le Juif en se mordant les lиvres -, dans son imagination fertile, l'esprit fйminin, loin de la rйalitй, peut souvent se laisser tromper par les apparences...

Je suis soulagй de vous entendre et je loue votre confiance illimitйe ; nйanmoins, soyez convaincue qu'а tout moment, vous trouverez en moi le sincиre dйfenseur de votre bonheur et de vos vertus !...

Cela dit, Saul de Gioras lui fit des adieux attentionnйs, laissant la pauvre jeune femme perplexe, remplie d'amertume.

Les premiиres peines avaient touchй la vie conjugale de Flavia Lentulia sans qu'elle sache conjurer le danger qui menaзait son bonheur а jamais.

Cette nuit-lа, Pline Sйvйrus ne trouva pas chez lui la crйature douce et adorable pleine de dйvouement et d'amour profond. Dans l'intimitй de leur chambre, prise d'une tristesse amиre et incomprйhensible, sa compagne lui fit des rйcriminations dйplacйes et inopportunes qui marquиrent entre eux les premiиres altercations qui peuvent ruiner а jamais, au cours d'une vie, le bonheur d'un couple quand les cњurs ne sont pas suffisamment prйparйs а la comprйhension spirituelle dans le cadre des йpreuves de rйmission, mкme si la route divine de leurs вmes jumelйes est un chemin glorieux vers les destinйes les plus йlevйes.

Quelques jours plus tard, Saul retournait а Massilia espйrant rйaliser quelques affaires afin de revenir а Rome dans les moindres dйlais.

Et la vie de nos personnages se poursuivait dans la capitale de l'Empire avec presque les mкmes caractйristiques.

Le sйnateur Lentulus continuait plongй dans ses cogitations d'ordre politique, se rendant aussi souvent que possible chez sa fille oщ il avait de trиs longs entretiens avec Calpurnia sur le passй et les besoins du prйsent.

Quant а Livia, йloignйe contre son grй de sa fille par la force des circonstances, mais aussi de sa meilleure amie du passй par incomprйhension, et toujours maintenue а distance par son mari dans leur intimitй, elle s'йtait rйfugiйe dans l'amitiй dйvouйe d'Anne et se consacrait aux priиres les plus ferventes et les plus sincиres.

Quotidiennement, toutes deux priaient dans leur pйnible solitude au pied de cette croix brute que Simйon leur avait donnйe а l'heure extrкme.

Trиs souvent, en extase, elles remarquaient que le petit crucifix йtait frappй d'une lumiиre trиs dйlicate, alors qu'elles semblaient entendre au loin, dans le sanctuaire de leur cњur et de leurs pensйes, des exhortations singuliиres et merveilleuses.

On aurait dit que la voix douce et amicale de l'apфtre de Samarie revenait du royaume de Jйsus pour leur enseigner la foi, l'accomplissement du devoir de charitй fraternelle, la rйsignation et la pitiй. Toutes deux pleuraient alors comme si dans leur вme sensible et affectueuse vibraient les harmonies d'un divin prйlude а la vie cйleste.

А cette йpoque, instruite par quelques chrйtiens plus humbles, Anne informa sa maоtresse des rйunions dans les catacombes.

Il n'y avait que lа que pouvaient se rйunir les adeptes du christianisme naissant, car depuis son apparition dans la sociйtй romaine, leurs idйes йtaient considйrйes comme subversives et nuisibles.

L'Empire fondй sous Auguste qui йtait l'image au monde de l'Йtat le plus fort de tous les temps depuis les conquкtes dйmocratiques de la Rйpublique, ne tolйrait aucun regroupement de partisans en matiиre de doctrines sociales et politiques.

On constatait а Rome ce qui se produit de nos jours avec les nations modernes qui oscillent entre les formes gouvernementales les plus diverses, entre les extrйmismes et l'ignorance de l'homme qui s'obstine а ne pas comprendre que la rйforme des institutions doit commencer d'abord au fond des кtres.

Les seules associations admises йtaient, а cette йpoque, les coopйratives funйraires, vu leurs programmes de pitiй et de protection pour ceux qui ne pouvaient dйjа plus dйranger les pouvoirs temporaires de Cйsar.

Persйcutйs par les lois qui ne tolйraient pas leurs idйes rйnovatrices, traitйes avec aversion par les forces puissantes des traditions antiques, les adeptes de Jйsus n'ignoraient pas leur avenir d'angoisses et de souffrances. Quelques dйcrets plus rigides les obligeaient а occulter leur croyance, mкme si le gouvernement de Claudius cherchait, toujours, а maintenir l'ordre et l'йquilibre, sans faire trop d'excиs dans l'exйcution de ses desseins.