Quelques compagnons plus йclairйs dans leur foi prйconisaient publiquement ses thиses dans des йpоtres au goыt de l'йpoque ; mais bien avant les sinistres crimes de Domitius Nйron, les premiers chrйtiens vivaient dйjа dans l'affliction, dans l'angoisse, а accomplir de tristes besognes. Malgrй tout, les rйunions bien qu'absolument secrиtes avaient lieu pйriodiquement dans les catacombes. Un grand nombre d'apфtres de la Palestine passaient par Rome, apportant а leurs frиres de la mйtropole les prкches les plus йdifiants et les plus consolateurs.
Lа, dans le silence des grands rochers dans des cavernes abandonnйes par le temps, on entendait des voix profondes et йdifiantes qui commentaient l'Йvangile du Seigneur ou louaient les sublimitйs de son royaume, au-dessus de tous les pouvoirs prйcaires de la perversitй humaine.
Des torches йtincelantes illuminaient ces abris souterrains que la vйgйtation protйgeait, tandis que des portes en pierre laissaient une impression d'angoisse, de tristesse et de suprкme abandon.
Chaque fois qu'un pиlerin plus dйvouй arrivait en ville, le mкme avertissement йtait fait а tous les convertis.
Le signe de la croix, sous n'importe quelle forme, йtait le mot de passe silencieux entre frиres de croyance ; fait d'une maniиre particuliиre, il signifiait un avertissement dont le sens йtait immйdiatement compris.
Au travers de ces communications incessantes, Anne йtait au courant de tout ce qui se passait dans les catacombes et informait sa maоtresse de tous les faits survenus а Rome concernant la doctrine rйdemptrice du Crucifiй.
C'est ainsi que lorsqu'on annonзait l'arrivйe d'un apфtre venu de Galilйe ou des rйgions frontaliиres, Livia faisait en sorte de s'y rendre accompagnйe de sa dйvouйe et fidиle servante. Elle faisait le chemin а pied, bien que portant а prйsent des habits de patricienne, conformйment а l'autorisation de son mari pour professer librement ses croyances. Elle savait que pour la sociйtй son attitude reprйsentait un grave danger, mais le sacrifice de Simйon avait йtй un signe de lumiиre qui йclairait sa destinйe sur terre. Elle avait acquis du courage, de la sйrйnitй, de la rйsignation et une certaine connaissance d'elle-mкme pour ne jamais tergiverser au dйtriment de sa foi ardente et pure. Si ses anciennes relations amicales а Rome attribuaient sa transformation profonde а la dйmence ; si son mari ne la comprenait pas et si Calpurnia et Pline creusaient encore davantage le grand abоme que Publius avait ouvert entre elle et sa fille, son esprit trouvait dans la croyance un chemin divin pour fuir toutes les amertumes sur terre, sentant que le Divin Maоtre de Nazareth apaisait les ulcиres de son вme et s'apitoyait sur son cњur dйchirй par l'angoisse. Sa foi йtait comme une torche lumineuse qui illuminait la pйnible route sur laquelle rayonnaient les lueurs de la confiance humaine en la providence divine qui transforme les douloureuses йpreuves de la terre en avant-goыt des joies infinies de l'йternitй.
TRAGЙDIES ET ESPOIRS
La vie quotidienne est toujours prosaпque, sans fantaisie ni rкves.
Ainsi s'йcoulait l'existence des personnages de ce livre, dans la toile vivante des rйalitйs nues et pйnibles dans leur environnement sur terre.
Ceux qui atteignent certaines positions sociales, tout comme ceux qui s'approchent du crйpuscule de la vie fragmentaire de la terre, ont peu de choses а raconter sur les jours qui passent.
Il est une pйriode dans l'existence de l'homme oщ il lui semble ne plus avoir la force psychique nйcessaire а son Coeur pour renouveler ses rкves et ses aspirations premiиres, se figurant ainsi que sa situation spirituelle est cristallisйe ou stationnaire. Au fond de lui, il n'y a plus de place pour de nouvelles illusions ou pour faire refleurir de vieilles espйrances, et l'вme, comme dans une pйnible pйriode d'expectatives et de silence forcй, tombe en chemin et contemple ce qui passe, prisonniиre de la routine, des semaines monotones et anodines.
А prйsent, en l'an 57, la vie des acteurs de ce malheureux drame se prйsente presque invariablement dans la rйpйtition sans fin de ces йpisodes ordinaires et angoissants.
Seul un grand changement eut lieu chez Calpurnia.
Dans la radieuse expression de sa vitalitй physique, Pline Sйvйrus avait dйjа reзu les plus grandes distinctions de la part des organisations militaires qui garantissaient la stabilitй de l'Empire. De longs sйjours pйriodiques en Gaule et en Espagne lui avaient valu de prestigieuses dйcorations, mais en son for intйrieur, la vanitй et l'orgueil avalent intensйment prolifйrй, malgrй la gйnйrositй de son cњur.
Les premiиres вpres jalousies de son йpouse furent suivies de consйquences nйfastes et regrettables.