Sire, ce serait me rendre coupable de trahison envers votre personne sacrée que Vous offrir des motifs pris dans les principes généreux de la morale. Si Vous voulez nous faire attendre, certainement Vous avez pesé dans la balance de tous Vos sentiments le pour et le contre. Mais ne sera-t-il permis d’ajouter un contrepoids en notre faveur, auquel V. M. n’avait peut-être pas songé. Vous savez, Sire, qu’on veut nous avilir quoique je me sois efforcé de Vous cacher les indignités qu’on commet à notre égard parce que j’ai cru réussir sans Vous les dévoiler. Je l’espère encore; mais enfin Vous savez qu’on veut nous avilir et qu’on n’y réussit que trop. Le seul moyen réel de nous donner la dignité dont nous avons si besoin pour accomplir notre but est un acte de fondation. Il est vrai que nous n’avons à craindre qu’un retard de quelques mois. Mais cet espace de temps est-il peu de chose? Je ne parle pas de moi. Avant-hier matin toutes mes forces appartenaient à l’Université, ma vie à Vous. Dans les moments suivants Vous m’avez élevé au-dessus de moi-même, Vous m’avez consacré en ce que la vertu a de plus sublime. Qu’Alexandre exige à présent que je vive dans l’opprobre s’il le croit nécessaire, il peut compter sur mon obéissance. Mais a-t-il les mêmes droits sur mes collègues? Tant de braves gens doivent-ils être un instant exposés à l’oppression et à l’insulte? Et pourquoi? Pour ménager le préjugé d’une autre université? Et encore si cette idée était fondée! Depuis plusieurs années on travaille à l’édifice de notre Université. L’acte de fondation que nous désirons en est la dernière pierre; et tant d’incertitudes sur le sort particulier de chacun de nous, tant de combats depuis, tant de souffrances ne nous avaient-elles pas appris le droit de voir terminer à présent notre affaire? Sire, voilà le poids que je voulais mettre dans la balance de Votre équité, laissez-lui toute sa force. Je Vous en supplie.
Parrot
Annexe
G. F. Parrot à prince A. Czartoryski
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Monsieur le Prince,
Vous avez été l’avocat de notre cause sans avoir précisément d’adversaires à combattre. Veuilles à présent l’être contre Vous-même, en présentant à Sa Majesté la lettre ci-jointe qui contient tout ce qu’il m’a été possible de Lui dire contre Votre opinion de hier matin. Il Vous appartient de pousser jusques là l’amour du bien dont Vous m’avez donné tant de preuves touchantes. C’est une barrière de plus que Vous dépassez à l’autel de la grande cause à laquelle Vous Vous êtes voué, et si l’estime, l’admiration d’un homme, qui n’est rien que par ses sentiments, peut Vous toucher, comptez la mienne en nombre de celles que Vous Vous êtes déjà acquises. Permettez-moi de mettre cette assurance à la place de toute formule.
Parrot
8. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
J’ai l’honneur de présenter à la ratification de Votre Majesté la variante réglée de l’acte de fondation que notre Université tiendra bientôt de Votre bienfaisance paternelle2
. Si en recevant un pareil bienfait il m’était permis de désirer encore quelque chose, ce serait la possibilité de voir terminer sous peu de jours cette importante affaire, pour pouvoir hâter mon départ. Je ne Vous parlerai pas, Sire, de circonstances désastreuses qui pressent mon retour au sein de ma famille. Tant que mon devoir me retient ici je dois voir sans murmures ma femme chérie se désoler de ne pouvoir voler au secours de sa mère mourante pour ne pas abandonner en mon absence mes enfants et sa maison. Mais Vous m’avez imposé un grand devoir et les personnes qui doivent y coopérer seront rendues à Dorpat le 1er décembre2, pour terminer cette affaire importante avant la Diète que V. M. a permise ou permettra à la noblesse de Livonie, et les travaux de ma place se sont tellement accumulés en mon absence que j’aurai besoin de 8 jours au moins à travailler presque jour et nuit, pour y mettre assez d’ordre pour pouvoir ensuite vouer quelques jours entièrement à l’exécution des vues sublimes de Votre Majesté. Veuillez, Sire, dans ce cas particulier faire une exception à la marche ordinaire pour une chose qui d’ailleurs est trop remise pour ne pas faire presque en tout une exception à la règle.Le point qui cause encore des difficultés est celui de la juridiction. La minute ci-jointe en contient deux variantes dans dernière desquelles nous renonçons à la juridiction criminelle. Daignez, Sire, rayer celle que V. M. jugera la moins convenable. Mon vœu est pour celle du texte.