Voilà mes raisons. Peut-être ne paraîtront-elles pas suffisantes à Votre Majesté. Daignez m’accorder la grâce d’oser les appuyer de nouvelles, exprimées de bouche. Et même dans le cas où de nouvelles raisons seraient inutiles, daignez, Sire, m’accorder cependant quelques instants de Votre présence. C’est un fond de bonheur que j’emporterai pour le reste de ma vie.
Parrot
10. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
Votre Université de Dorpat, sur le point de recevoir de la bienveillance de V. M. I. une nouvelle organisation vivifiante, sent le besoin d’avoir en Allemagne un Correspondant littéraire qui l’instruise promptement des principaux événements de la littérature étrangère, tels que encans considérables de livres, apparition de nouveaux ouvrages d’importance, nouvelles découvertes dans les sciences etc. – et qui lui fournisse en outre des renseignements sur la personne de plusieurs savants et artistes qu’il importe à l’université de connaître, et se charge de différentes commissions relatives à ces objets.
Or, Sire, nous avons trouvé un sujet très propre à cette place dans la personne du Conseiller de collège Doppelmayer qui a servi avec distinction pendant 17 ans en qualité de Docteur de Gouvernement à Moscou, puis de médecin de la Cour sous le règne de Sa Majesté l’Empereur défunt dont il avait l’honneur d’être connu personnellement. Des infirmités provenant d’une double fracture à la cuisse l’ayant mis hors d’état de faire son service, il obtient son congé avec une pension de 2000 Roubles, et s’établit dans la ville de Dorpat depuis l’érection de l’Université. Ses infirmités augmentant de jour à jour, ce brave homme désirerait jouir du climat moins âpre de l’Allemagne méridionale devenu absolument nécessaire à sa conservation. Mais en même temps il s’estimerait heureux de tenir encore à la Russie et en quelque sorte à Votre Majesté Imperiale par une tâche qui ne soit pas au-dessus de ses forces. L’ouvrage d’une correspondance assidue avec notre Université conviendrait parfaitement à son activité intellectuelle et morale, et à son désir d’être utile, et je suis chargé, Sire, de supplier V. M. I. au nom des membres de l’Université et du Conseiller Doppelmayer de lui imposer ce devoir, en lui accordant la permission de jouir à l’étranger de la pension qu’il tient de Votre auguste Prédécesseur1
.Sire, en demandant cette nouvelle grâce à V. M. I. je sens que j’augmente la masse de mes dettes envers Vous, et que notre reconnaissance – Non, je ne me chargerai pas de ce devoir. Que l’université trouve elle-même le moyen de Vous exprimer ses sentiments. Vous savez, Sire, combien peu je suffis à exprimer les miens. —
11. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
Chaque jour, presque chaque heure amène une nouvelle objection du Comte de Sawadovsky contre l’acte de fondation que V. M. I. avait déjà approuvé et cet ouvrage conçu avec tant de soins, fondé par les principes les plus équitables, amendé par les observations de Messieurs de Novossilzof, de Czartorinsky, de Pototsky, Stroganoff même, avoué par le Général Klinger, perfectionné par Votre Majesté elle-même enfin, à qui il ne manquait plus qu’une formalité, va devenir inconséquent sous la plume de Ministre de l’instruction publique2
.Je souffre doublement, d’un côté de voir inventer des défauts à un ouvrage qui ne doit respirer que la justice et la saine raison, d’un autre de savoir qu’il paraîtra sous Votre auguste nom.
Sire! Il était dans le bonheur que je cherchais pour moi-même dans cet ouvrage l’idée de Vous voir devenir là l’idole des gens de lettres, de l’étranger comme Vous êtes le nôtre. Et l’on veut m’arracher cette jouissance! Sire! Je n’ai plus qu’une prière. Daignez avant de décider, m’accorder dix minutes d’audience – puis disgraciez-moi.
Vous seul pouvez sentir ce qu’il m’en coûte à prononcer ce mot fatal. Vous seul savez ce que j’y perds. Mais mon devoir parle, et je dois à l’université, à Vous-même, de sacrifier ce que j’achèterais chaque jour un prix de mon sang, sans croire l’avoir payé.
Sire! j’attends Vos ordres3
.Le plus heureux ou le plus malheureux de Vos sujets
Parrot
12. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Tels furent, Sire, les derniers mots de la publication de l’acte bienfaisant que nous devons à Votre Majesté. Tels sont les sentiments qui pénètrent nos cœurs.