Le Comité a surpassé mes espérances, et V. M. reçoit en ce moment un ouvrage aussi parfait que les circonstances le permettent. Pardonnez moi cette expression, Sire, parce que j’y ai eu la moindre part, tout le temps que j’ai pu dérober à ma santé et à mes autres devoirs me n’ayant pas permis d’y travailler autant que je l’enviais. Daignez honorer cet ouvrage de Votre approbation, mais d’une approbation qui mette le sceau au bonheur de deux petits peuples célèbres par les maux qu’ils ont soufferts et dignes par là de votre sollicitude paternelle3
. Surtout veuillez Vous persuader que si sous Votre règne le bien ne se fait qu’à demi, sous un autre il ne se fera pas du tout. Les préjugés et les prétendus droits des oppresseurs ont été assez longtemps ménagés, pour que Vous puissiez, sans dureté, faire valoir Vos droits ou, si Vous voulez, Vos devoirs de Père du peuple. Jouissez du temps présent. L’avenir n’est pas en Votre main. Si le sang des martyrs pouvait servir de preuve pour une opinion, Sire, je Vous offrirais le mien pour sceller la vérité de celle que je viens de soumettre à Votre décision, et je mourrais heureux d’avoir contribué par mon sacrifice au bonheur de tant d’hommes et au Vôtre.J’attends le retour de Sivers avec une impatience inexprimable. J’espère qu’il m’apprendra que j’ai réussi!
15. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
J’ai vu le conseiller Sivers à son passage. Il a exécuté l’ordre de V. M. I. à mon égard, et exigé que je Vous en fasse le rapport1
. Ce que j’éprouvai en apprenant que j’ai causé du déplaisir à V. M. est inexprimable, et la manière indulgente dont Votre cœur magnanime me l’a fait savoir, au lieu de me consoler, m’en rend le souvenir plus amer. L’image pure que je me faisais de mes relations vis-à-vis de V. M., cette image qui devait faire les délices de ma vie, qui devait me consoler de tous les injustices que j’aurai à essuyer, elle n’est plus la même: Elle a une tache! Je suis soupçonné d’avoir voulu par ma vivacité porter V. M. à prendre des mesures peu convenables. Il m’est impossible de dire un mot pour ma justification, dusse-je réelement paraître coupable. – Coupable? Envers Votre personne! – Peut-être apprendrez Vous un jour, Sire, lorsque je ne serai plus, quels furent mes sentiments pour Vous. Non, Vous ne les connaissez pas encore. Vous jugerez alors si Votre personne m’était sacrée, et s’il était dans l’ordre des choses possibles que je deviens coupable.Mais il est dans l’ordre des choses qu’après avoir été au faîte du bonheur le temps des sacrifices succède à ce temps de prospérité. En osant m’approcher de V. M. pour le bien de mes semblables, je n’ai pas fait de pacte avec la fortune, et si Vous avez oublié, Sire, que je Vous ai promis de sacrifier même ma réputation au bien public, mon devoir présent me le rappelle, et j’écris par le même courrier au Ministre de l’intérieur pour terminer une affaire qui, à ce que je crois, ne peut l’être pas que je paie de ma personne2
. Puisse-je obtenir en ceci l’approbation de Vertu!Sire! Vivez heureux! Ces mots renferment les vœux les plus chers de mon cœur.
16. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
À peine quatre mois sont écoulés depuis le 12 décembre doublement cher à nos cœurs, où Votre Majesté Impériale signe l’acte de la régénération de notre Université. Après tant de soins voués de la part de V. M. I. à cette constitution, Vous aviez, Sire, assurément le droit de regarder la chose comme terminée.
La noblesse du gouvernement de Livonie se place sous un autre point de vue; prévoyant dans nos droits des dangers pour ses prétendus privilèges elle se prépare à des réclamations2
. Je le sais, Sire, ces réclamations ne sont que ridicules. Nous avons Votre parole sacrée, et j’y crois, et j’y croirai aussi longtemps que je serai capable d’un sentiment honnête. Aussi ce n’est pas la crainte qui m’engage à prévenir V. M. La crainte ne fut jamais mon faible. Mais on nous attaquera personnellement, et surtout moi, comme on l’a déjà fait en pleine diète, et si avant d’être instruit de la vérité Vous croyez, Sire, devoir me demander une justification de l’Université et de moi-même, alors mon devoir me forcera à Vous offrir le tableau de l’administration de nos ci-devant curateurs – une démarche que j’ai évitée jusqu’à ce jour, démarche que j’ai tenue pour ignoble lors de mon séjour à Pétersbourg, démarche qui offrirait au cœur sensible de V. M. la triste nécessité de punir des fautes sur lesquelles il vaut mieux jeter le voile.Voilà, Sire, les raisons qui m’engagent à faire usage en ce moment de la confiance particulière dont Vous daignez m’honorer.