C'est le premier matin du monde.Comme une fleur confuse exhal'ee de la nuit,Au souffle nouveau qui se l`eve des ondes, Un jardin bleu s''epanouit. Tout s'y confond encore et tout s'y m^ele, Frissons de feuilles, chants d'oiseaux, Glissements d'ailes,Sources qui sourdent, voix des airs, voix des eaux, Murmure immense, Et qui pourtant est du silence.Ouvrant `a la clart'e ses doux et vagues yeux, La jeune et divine `Eve S'est 'eveill'ee de Dieu.Et le monde `a ses pieds s''etend comme un beau r^eve. Or Dieu lui dit: Va, fille humaine, Et donne `a tous les ^etresQue j'ai cr'e'es, une parole de tes l`evres, Un son pour les conna^itre.Et `Eve s'en alla, docile `a son seigneur, En son bosquet de roses, Donnant `a toutes chosesUne parole, un son de ses l`evres de fleur:Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole…Cependant le jour passe, et vague, comme `a l'aube, Au cr'epuscule, peu `a peu, L'Eden s'endort et se d'erobe Dans le silence d'un songe bleu.La voix s'est tue, mais tout l''ecoute encore, Tout demeure en attente;Lorsque avec le lever de l''etoile du soir, `Eve chante. Tr`es doucement, et comme on prie, Lents, extasi'es, un `a un, Dans le silence, dans les parfums Des fleurs assoupies,Elle 'evoque les mots divins qu'elle a cr'e'es;Elle redit du son de sa bouche tremblante:Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole… Elle assemble devant Dieu Ses premi`eres paroles, En sa premi`ere chanson.