Читаем L'Empire des anges полностью

Vassili se tait mais son regard est dur. Il se dirige vers moi, me prend par l'épaule et me mène à une cachette qu'il a aménagée et que je ne connaissais pas. D'un morceau de toile replié, il tire un objet long et brillant. Un couteau.

Je l'examine. Il ne l'a pas trouvé ou acheté. Il l'a fabriqué. Il l'a forgé en douce en dehors des séances à l'atelier de travaux manuels. On dirait un authentique poignard de guerre.

– Tu es le plus fort d'entre nous. À toi de venger Vladimir.

Je suis tétanisé. Je pense à mon nouveau papa, colonel dans l'aviation. Un jour, il me fera monter dans son avion… Un jour, il m'apprendra à piloter… Je revois cette outre de Vladimir, toujours à se goinfrer, toujours un doigt dans le nez, le porc. Je le revois manger, bavant et rotant lourdement. Vladimir.

– Désolé, dis-je à Vassili. Cherche quelqu'un d'autre. Mes nouveaux parents arrivent dans une demi-heure. Je ne suis plus concerné par les bagarres ici.

Je me détourne déjà quand une voix susurre derrière moi:

– Mais c'est Igor… Igor qui lui non plus n'a pas payé l'impôt…

Piotr.

– … tout endimanché qu'il est, Igor. Un vrai gosse de bourgeois. Ce charmant smoking, ça ferait de jolis chiffons à poussière.

Vassili tente imperceptiblement de me glisser le poignard dans la main. Je ne le saisis pas.

– On n'échappe pas à son destin, me murmure-t-il doucement à l'oreille.

– Alors, Igor, on se bat ou tu nous laisses tranquillement tailler des franges à ta veste, histoire de la remettre à la mode?

Ses acolytes se tordent de rire.

Ne pas répondre aux provocations. Tenir encore vingt minutes. Vingt minutes seulement. Avec un peu de chance, peut-être même que mon futur papa sera en avance.

J'esquisse un mouvement de fuite mais mes jambes se dérobent. Le «tsarévitch» et sa bande s'avancent. J'ai encore le choix. Rester coi ou être courageux.

Des enfants d'autres dortoirs se sont approchés et font cercle autour de nous pour profiter du spectacle.

– Eh Igor, t'as les jetons? ironise Piotr.

Mes mains tremblent. Ne pas tout gâcher maintenant.

Piotr lèche amoureusement la lame de son couteau à cran d'arrêt. Le poignard de Vassili est tout proche de ma main.

– Pas possible de bluffer cette fois, chuchote mon ex-ami. Tu n'as pas d'autre choix que d'abattre tes cartes.

Je sais exactement ce que je ne dois pas faire. Surtout ne pas toucher à ce poignard. Je repense aux gâteaux au chocolat, aux virées en avion, aux médailles du colonel. Tenir. Tenir encore une poignée de minutes. Maîtriser mes nerfs. Maîtriser mon cerveau. Dès que je serai bien au chaud chez le colonel, tout cela ne sera plus qu'un mauvais souvenir de plus.

– Regardez comme il a la frousse. Igor le lâche! Je vais te retoucher le portrait.

Mes membres m'abandonnent peut-être mais ma bouche me reste fidèle.

– Je ne veux pas me battre, dis-je péniblement.

Oui, oui, je suis un lâche. Je veux mes nouveaux parents. Il me suffit de fuir vers le couloir pour me retrouver hors de portée du cran d'arrêt. Fuir. Fuir. Il est encore temps.

Vania s'empare alors du poignard et le pose directement sur ma paume pour me contraindre à le prendre. Mes doigts ont un mouvement. Mais non, non, non, ne vous refermez pas sur ce manche, je vous l'interdis. Vania replie un par un mes doigts.

Je revois le visage de maman. J'ai mal à l'estomac. Mes yeux s'injectent de sang. Je n'y vois plus rien. Je sens seulement le poignard qui s'enfonce dans de la chair molle, dans le ventre de Piotr, exactement à l'endroit où moi j’ai si mal.

Piotr me dévisage, l'air surpris. Comme s'il pensait: «Je ne m'attendais pas à ce coup-là. Finalement, tu es moins trouillard que je le croyais.»

Piotr qui ne vit que par la force respecte la force, y compris celle de ses adversaires. Peut-être a-t-il été toujours en quête de celui qui le moucherait pour le compte.

Le temps s'arrête et se fige. Vassili ébauche un léger sourire qui n'étire que les commissures de ses lèvres. Pour la première fois, je lis dans son regard: «Tu es quelqu'un de bien.»

Alentour les enfants applaudissent. Même les lieutenants de Piotr affichent des expressions admiratives. Ils ne s'attendaient sûrement pas à ce que ce soit moi qui l'emporte. Je sais que maintenant, je n'ai plus rien à craindre d'eux. J'ai basculé dans un nouvel univers. J'ai laissé passer ma plus grande chance d'avoir une famille et, pourtant, je me sens bien. Je pousse un cri de bête. Le cri de la victoire sur l'adversaire et de la défaite sur son destin.

Vladimir a été vengé et moi… et moi, j'ai tout perdu.

Mes doigts s'imprègnent du sang de Piotr. J'ai souhaité que Piotr reçoive un coup de couteau dans le ventre. Mon vœu a été exaucé. Comme je le regrette maintenant! Je repousse les acolytes en quête de nouveau chef qui veulent me porter en triomphe.

Le soir même, une voiture fermée vient nous chercher, moi et Vania, pour nous conduire à la prochaine étape de notre parcours personnel: le centre de redressement pour mineurs délinquants de Novossibirsk.

<p>60. ENCYCLOPEDIE</p>
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