Читаем La forêt des ombres полностью

— Jamais... Quand il rentre, il va s’enfermer en haut, devant son ordinateur. Je tente bien de lui demander comment s’est passée sa journée, mais...

Elle secoua la tête.

— ... Ça peut paraître étrange mais c’est comme s’il cherchait à protéger ses défunts. Il ne veut pas les déshonorer en parlant des disgrâces, des cicatrices qu’il a relevées sur leurs corps. De ces secrets qu’ils ont conservés de leur vivant et qu’ils ne peuvent plus dissimuler. Un tatouage, un piercing, un stérilet... Il les respecte trop. En discuter, c’est comme violer leur intimité. Tu comprends ?

— Bien sûr...

— Je sais pas pourquoi il fait ce boulot. Son père était commercial. ... J’ai tout juste connu sa mère, avant qu’elle... qu’elle ne sombre dans la maladie. Elle était... si différente de son fils ! Jusque sur son lit de mort, elle m’a suppliée de l’éloigner de ce métier. Suppliée, tu imagines ?

— Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas trop... Elle sentait comme... des entités néfastes rôder autour de son fils. C’était... complètement dément...

Le carreau s’embuait de son souffle tiède.

— Mais qu’est-ce qu’il fout ?

— Il va revenir !

— Avant d’arriver ici, durant le trajet, je me suis imaginée perdue au cœur de cette forêt immense. Moi aussi, j’aurais tout fait pour m’en sortir. Marcher, et marcher encore, sans jamais m’arrêter. Aller au bout, même si j’imagine que l’espoir, à un moment, doit forcément s’évanouir et que la mort devient préférable, presque tentante. David m’a expliqué qu’on ne sent rien, quand on s’endort dans le froid. Il paraît que cette fin est la plus douce qui existe...

Adeline retourna brusquement vers la table. Elle se mit à rouler des Spätzle, jusqu’à obtenir de petites quenelles ivoirines.

— La mort n’est jamais douce. Elle est la même pour tous. Puante et sournoise.

Un frisson lui parcourut les épaules.

— Et tout sent franchement la mort, ici.

Cette fois, ce fut Cathy qui s’approcha d’elle.

— Tu veux qu’on parle de ce qu’il s’est passé, hier, pendant la randonnée ?

— Non, non ! Désolée, mais j’aime mieux pas. Je crois que tu n’es pas... prête à écouter ça...

— Pourquoi tu dis ça ?

Elle frappa du poing sur sa poitrine.

— Trop longtemps que c’est enfermé là-dedans...

— Justement ! Ça te fera du bien d’en discuter !

Elle contracta les mâchoires.

— Mon père m’avait appris, quand il m’emmenait à la chasse, à reconnaître un gibier rien qu’à son envol. Les canards, par exemple, partaient comme des fusées, le cou tendu, en une belle diagonale, inclinée d’environ trente degrés. Deviner, du premier coup d’œil...

— Je ne comprends pas...

— La première fois où je t’ai aperçue... La toute première expression de ton visage. Tes premiers mots... Sans te connaître, je les ai fixés dans ma mémoire. Aujourd’hui, tu dissimules tes a priori, parce qu’on se côtoie et que tu es polie. Mais je sais ce que tu penses de moi. Et ce n’est pas très différent de ce que pensent les autres.

— Détrompe-toi ! Je t’apprécie beaucoup.

— Ouais, tu m’apprécies... mais pourtant quand tu me regardes... Je suis sûre que tu te demandes ce qui peut pousser une femme à vendre son corps pour de l’argent... Eh bien, mets des prisonniers dans une cour cernée de miradors, laisse la porte d’entrée ouverte et tu verras... Combien vont se ruer vers la liberté, même s’ils savent qu’ils risquent de se faire tirer dessus ?

Elle croisa les bras sur sa poitrine.

— Nous ne faisons que réagir aux influences, que nous le voulions ou non. Ma jeunesse a été faite d’influences...

Elle s’en voulait de parler autant, mais l’envie de s’expliquer était trop forte.

— Toute mon en²fance s’est organisée autour du culte de l’image, du profit. J’avais à peine six ans que mon père m’inscrivait déjà à des castings. Pas pour moi, pas pour m’amuser, mais pour le peu d’argent que ces clichés rapportaient. Il n’hésitait pas à arpenter la France... Il n’a jamais manqué un concours de photos. Le week-end, au lieu de plancher sur mes devoirs, il me forçait à aller à la chasse avec lui ou à défiler sur les podiums de Miss Tartempion, à m’exhiber en maillot de bain. Puis à douze ans...

Quelque chose la bâillonnait. Ses yeux trahissaient sa détresse.

— À douze ans ? demanda Cathy, fronçant légèrement les sourcils.

Adeline secoua la tête.

— Excuse-moi. À... À seize ans, il me pousse vers le mannequinat. Une seule école, celle de l’hypocrisie et de la concurrence. Ça fonctionne un temps, mais pas aussi fort qu’il l’aurait souhaité. Mon asthme ne va pas aider. Et je n’avais pas dix-sept ans quand il a fichu le camp au bras d’une jeune héritière, en me laissant avec ma mère dépressive. Assez caricatural, non ? Et pourtant... La réalité des familles malheureuses est faite de caricatures.

Cathy écoutait sans bouger.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Ледовый барьер
Ледовый барьер

«…Отчасти на написание "Ледового Барьера" нас вдохновила научная экспедиция, которая имела место в действительности. В 1906-м году адмирал Роберт Е. Пири нашёл в северной части Гренландии самый крупный метеорит в мире, которому дал имя Анигито. Адмирал сумел определить его местонахождение, поскольку эскимосы той области пользовались железными наконечниками для копий холодной ковки, в которых Пири на основании анализа узнал материал метеорита. В конце концов он достал Анигито, с невероятными трудностями погрузив его на корабль. Оказавшаяся на борту масса железа сбила на корабле все компасы. Тем не менее, Пири сумел доставить его в американский Музей естественной истории в Нью-Йорке, где тот до сих пор выставлен в Зале метеоритов. Адмирал подробно изложил эту историю в своей книге "На север по Большому Льду". "Никогда я не получал такого ясного представления о силе гравитации до того, как мне пришлось иметь дело с этой горой железа", — отмечал Пири. Анигито настолько тяжёл, что покоится на шести массивных стальных колоннах, которые пронизывают пол выставочного зала метеоритов, проходят через фундамент и встроены в само скальное основание под зданием музея.

Дуглас Престон , Линкольн Чайлд , Линкольн Чайльд

Детективы / Триллер / Триллеры
Книга Балтиморов
Книга Балтиморов

После «Правды о деле Гарри Квеберта», выдержавшей тираж в несколько миллионов и принесшей автору Гран-при Французской академии и Гонкуровскую премию лицеистов, новый роман тридцатилетнего швейцарца Жоэля Диккера сразу занял верхние строчки в рейтингах продаж. В «Книге Балтиморов» Диккер вновь выводит на сцену героя своего нашумевшего бестселлера — молодого писателя Маркуса Гольдмана. В этой семейной саге с почти детективным сюжетом Маркус расследует тайны близких ему людей. С детства его восхищала богатая и успешная ветвь семейства Гольдманов из Балтимора. Сам он принадлежал к более скромным Гольдманам из Монклера, но подростком каждый год проводил каникулы в доме своего дяди, знаменитого балтиморского адвоката, вместе с двумя кузенами и девушкой, в которую все три мальчика были без памяти влюблены. Будущее виделось им в розовом свете, однако завязка страшной драмы была заложена в их историю с самого начала.

Жоэль Диккер

Детективы / Триллер / Современная русская и зарубежная проза / Прочие Детективы