Читаем La forêt des ombres полностью

David relut attentivement ce qu’il venait d’écrire, corrigea sept ou huit fautes de frappe. Un sourire de satisfaction illumina son visage. C’était vraiment très bon, du pur instinct, de l’imagination débridée. Son héroïne, Marion, était en définitive une sacrée garce. Avoir abandonné son mari et son enfant pour sauver sa peau... Quelle mère, quelle femme aurait fait une chose pareille ? De toute façon, pas le temps de s’intéresser à ces détails. Arthur n’avait qu’à aller se plaindre au service après-vente s’il n’était pas content.

En tout cas, lui, c’est comme ça qu’il l’aimait, Marion. Brute et sauvage.

Demain, il déciderait s’il la laisserait vivre. Bientôt, il mettrait en scène le flic, ce chien de rue, teigneux, acharné, mystique, dont Doffre avait parlé dans sa lettre. Il lui avait déjà choisi un prénom. David... Son sobriquet ? L’Embaumeur.

Deux heures cinquante-deux. Il terminait de se consumer, comme une vieille braise, bien incapable d’aller se coucher. Il était encore prisonnier de ses pages. Dans les bras de Marion. Oui, cette brune squelettique l’habitait déjà...

Emma...

Le Bourreau allait-il jaillir de ses pages, lui aussi ?

Franz...

Sur sa droite, le dossier, plongé dans l’ombre. Il hésita, puis le tira à lui. Les séances de Tony Bourne. Les pulsations cardiaques, tatouées sur les crânes des sept enfants... Les bilans psychologiques d’Arthur...

Les gonds gémirent. Porte ouverte. Il s’y précipita. Personne dans le couloir, pas un bruit. Tout le monde dormait.

Il retourna se cloisonner au milieu des odeurs de formol et d’éther. Son reflet dans la vitre, en face. Il aurait bien fermé les volets. Mais pas de volets...

Dossier ouvert. Les fiches couleur pomme, entre ses doigts... Il les parcourut rapidement. Sur les bristols, de moins en moins de notes du praticien. Sur les dernières, Arthur se contentait de consigner les dates de rendez-vous de son patient, à côté desquelles il dessinait des flèches. Vers le haut, vers le bas, ou à l’horizontale. A priori, elles représentaient l’évolution de l’état de Bourne, l’encéphalogramme simplifié de sa conscience. Quantité de flèches vers le bas...

Arthur s’était-il découragé face à cette psychanalyse qui ne progressait pas ? Car, à la vue des quelques lignes abandonnées sur les fiches, Bourne récitait toujours le même refrain. Son cœur malade, les numéros qui l’obsédaient, le souhait de quantifier le monde. Nombre de brins d’herbe dans un jardin, longueur d’un spaghetti, volume d’une expiration d’air. Peser, mesurer, compter. Une rengaine dont le psychologue devait avoir plus qu’assez.

Bourne parlait, mais n’écoutait pas. Doffre écoutait, mais ne parlait pas.

Bourne n’en faisait qu’à sa tête.

Mais dans ce cas, pourquoi ne pas l’avoir orienté vers un psychiatre, plus à même de traiter son cas ? Pourquoi avoir continué à le recevoir ? Conscience professionnelle ? Envie de percer cette phobie des palpitations cardiaques ?

David empila soigneusement les bristols déjà lus, à gauche de la machine à écrire, et plongea au cœur des autres feuillets. La volonté de savoir. D’aller au bout.

Début de l’année 1979. Changement de cadence dans les dates des rendez-vous. D’une visite par mois, on passe à une par quinzaine, puis une par semaine, alors que la date du septième et dernier massacre approche. 7 janvier 1979, 14 janvier 1979, 21 janvier 1979... Cette fois, plus aucune remarque. De simples flèches. Février... Des rencontres bihebdomadaires, régulières... La psychanalyse qui se met enfin en route ? Après pas loin de deux ans de cache-cache ?

Mais alors, pourquoi ne plus prendre de notes ? Pourquoi juste ces flèches insignifiantes ?

Sous le crâne de David, et partout autour, les mouches se mirent à bourdonner.

Le vert iridescent des insectes. L’odeur de l’arum. La scie électrique.

Un film de neige collé au carreau avait chassé la nuit.

Retour au dossier. 7 mars 1979. Le dernier bristol. Trois jours après l’ultime carnage. Tout s’arrête. Plus d’annotations, de flèches, de fiches. Psychanalyse terminée. Ou interrompue brusquement...

David fouilla encore. Il dénicha un cahier, trouvé entre ces dernières conclusions et le rapport d’autopsie de Tony Bourne. Un vieux cahier d’écolier, aux pages jaunies et cornées. Il ne se souvenait pas l’avoir remarqué.

Il le considéra longuement, sans l’ouvrir.

Puis il s’en empara. Sur le cahier, une écriture tremblotante. Celle d’un droitier, qui pour la première fois coince un stylo entre le pouce et l’index gauche.

Un journal intime. Celui de Doffre.

Avril 1979. Pitié Salpêtrière.

Doffre, cloué sur un lit d’hôpital.

Ecriture écorchée d’un être qui avait tout perdu. Confessions d’un condamné à vivre.

Subitement, le laboratoire parut bien plus froid. David remonta le col de son sous-pull et éteignit le lecteur CD.

Il se mit à lire. Des plaintes, de la douleur, des malaises, des envies de mourir. Des gribouillis, des dessins macabres, noirs, bleus, rouges, transperçant parfois le papier. Sur une feuille, un seul mot, répété à l’infini. Mort.

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