Читаем La forêt des ombres полностью

Les barreaux du lit auxquels étaient attachées les menottes étaient plus épais qu’elle ne l’avait imaginé pendant la nuit. Elle essaya une nouvelle fois de mettre à contribution ses poignets meurtris. Elle serra les mâchoires, plissa les paupières et tira avec une rage infinie. En vain.

Trouver à tout prix une autre solution... Son cerveau ne devait cesser de fonctionner, d’élaborer des scénarios, ne serait-ce que pour la maintenir éveillée. Elle se sentait proche de l’abattement. Il fallait résister à la tentation de s’endormir, d’attendre la mort.

La hachette, posée contre le pied du poêle en faïence, laissée là, derrière les flacons de Ventoline, comme une nouvelle provocation.

Elle devait trouver un moyen de s’en emparer.

Impossible. Rigoureusement impossible.

A moins que...

Elle agrippa solidement les barreaux  – il lui sembla que ses phalanges allaient se briser en morceaux  –, s’enroula sur elle-même jusqu’à ce que ses bottines se posent à plat sur le mur, derrière elle, et poussa de toutes ses forces. Elle ressentit une douleur atroce dans les épaules et les abdominaux.

Le lit ne bougea pas d’un millimètre.

Elle inspira profondément et renouvela l’opération, une, deux, trois fois, en criant entre ses dents. Mollets, quadriceps, au maximum de leur contraction. Dans un léger grincement, les pieds de bois glissèrent enfin sur le plancher. Adeline grogna comme une bête sauvage et continua son effort, aussi longtemps qu’elle le put.

Cinquante centimètres de gagné. C’était suffisant.

Elle resta un moment allongée à récupérer. Puis elle se concentra sur son mouvement et projeta de nouveau ses deux pieds vers l’arrière, par-dessus sa tête. Elle se tordit encore une fois le dos, si fort qu’elle crut bien que sa nuque finirait par se briser. Elle sentit l’odeur de sa propre urine quand son bassin lui frôla le nez, juste avant qu’il ne bascule de l’autre côté des barreaux, dans le mince espace qu’elle venait de créer entre le mur et le lit. La gravité se chargea du reste. La poitrine, les épaules, la tête suivirent dans une roulade. Le faisceau de douleur, lorsqu’elle se racla le ventre puis le visage sur la barre horizontale du lit, lorsque le fil brûlant de l’acier lui mordit une nouvelle fois les poignets, manqua de lui faire perdre conscience.

Mais elle y était parvenue. Toujours menottée au lit, bras en croix, certes, mais debout, en position de force.

Elle se mit à pousser, tirer, diriger le lit, comme un déam- bulateur géant. Ses muscles froids lâchaient un acide douloureux, l’air glacial heurtait ses poumons telle une pointe de fouet entaillant le derme. À chaque expiration, Adeline s’attendait aux sifflements, aux contractions dans son larynx, à l’arrivée d’une crise.

Après avoir traversé le champ d’inhalateurs, elle réussit à se hisser à proximité du poêle en faïence.

À présent, il fallait récupérer la hachette. Le manche était trop court pour qu’elle pût s’en emparer avec les mains. L’outil chutait, alors qu’elle le levait en équilibre sur le dessus du pied droit, alors que ses doigts gourds effleuraient son bois pourrissant. Mais à force de patience et d’acharnement, elle parvint à le saisir et à le lâcher sur le matelas.

Elle éprouva un puissant sentiment de satisfaction et posa le front sur le battant du lit, sans plus bouger, épuisée, se répétant qu’elle y était presque.

Oui ! Elle allait s’en sortir !

Ses poignets menottés, en sang, ne lui autorisaient aucun mouvement de rotation, aucune prise d’élan. Impossible de cogner comme elle l’aurait souhaité. Il allait falloir scier, avec une lourde hachette rouillée, des barreaux d’un diamètre identique à celui d’un manche à balai. Pas facile, mais faisable. Une heure ou deux, et le tour serait joué.

Les mains d’Adeline avaient bleui. Huit heures qu’elle y était. Les ampoules qui crevaient dans sa paume droite lui arrachaient de longs gémissements. Les muscles de son avant-bras, tétanisés, ne travaillaient plus qu’après un repos chaque fois plus long. A peine dix mouvements latéraux de découpe et la brûlure revenait, plus dévastatrice. Les cheveux lui tombaient sur le visage, et elle ne pouvait même pas les repousser. Elle avait besoin de dormir, de manger, et de boire, surtout. Boire, s’avaler des kilos de neige. Elle ne tiendrait pas beaucoup plus longtemps.

La nuit était tombée. Adeline s’assoupit à plusieurs reprises, à genoux, la tête sur les barreaux, les lèvres violettes. Mais chaque fois elle revenait, reprenait son ouvrage, à l’aveugle, l’oreille attentive aux bruissements extérieurs, sciant, sciant toujours plus.

Encore une demi-heure d’efforts et le barreau céda enfin. Adeline hurla de bonheur. Et elle brandit le poing, s’adressant à cette immensité noire qu’elle pensait avoir vaincue.

Elle fracassa l’autre montant d’un coup de hache.

La liberté.


38.

L’œil collé sur le trou de la serrure, Emma ordonna à David de se plaquer contre la fenêtre du fond, les mains bien en évidence au-dessus de la tête.

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