Cependant que Papen est très entouré et qu’il commence à mesurer le sens que va prendre inéluctablement son discours, ce discours qu’il voulait atténuer, les communications téléphoniques se multiplient entre Marburg et les services officiels à Berlin. Goebbels est un des premiers prévenus. Il a été personnellement attaqué par le vice-chancelier : n’est-ce pas l’offensive des conservateurs que beaucoup parmi les nazis craignent ? Immédiatement Goebbels prend ses dispositions : la diffusion par radio du discours de Papen qui avait été prévue pour la soirée est interdite. Des journalistes qui, à Marburg, s’apprêtent à transmettre le texte du discours sont interpellés et invités à ne rien communiquer à leurs rédactions, dans la journée du lendemain des exemplaires de quotidiens seront même saisis. Seule la Frankfurter Zeitung eut le temps de publier quelques extraits dans son édition de l’après-midi. Or, cette censure s’applique au vice-chancelier du Reich. Pourtant autour de Jung, les collaborateurs de Papen à la vice-chancellerie s’emploient à briser le cercle de silence dans lequel Goebbels veut enfermer l’Allemagne. Déjà des textes sont partis pour l’étranger. Les presses du journal Germania en impriment des versions intégrales qui sont remises aux représentants diplomatiques et aux correspondants de la presse étrangère. « Nous expédiâmes également, écrit Papen, un grand nombre d’exemplaires par la poste, à nos amis en Allemagne même ». Mais la vice-chancellerie est surveillée nuit et jour par les agents de la Gestapo. Heydrich qui soupçonnait l’initiative de Jung et de Papen a d’ailleurs été l’un des premiers avertis.
Au 8, Prinz-Albrecht-Strasse, l’après-midi du dimanche 17 juin est un après-midi de travail intense. Les réunions se succèdent, les communications téléphoniques avec Marburg, avec le palais présidentiel de Goering, encombrent le standard. Heydrich donne l’ordre de saisir toute correspondance suspecte qui émanerait des services de la vice-chancellerie et qui aurait pour but de permettre la diffusion du discours de Marburg. Dans les bureaux postaux les agents du S.D. et de la Gestapo donnent leurs consignes et elles sont efficaces. « Je devais apprendre par la suite, raconte Papen, que la Gestapo avait réussi à intercepter la plupart de ces lettres » contenant la version intégrale du discours.
LA RÉPONSE DE HITLER.
Heydrich dont les informateurs à la vice-chancellerie se sont montrés bien renseignés dès le début de la semaine, a averti Hitler qui réside toujours à Munich depuis son retour d’Italie. Le Führer a peut-être alors pris la décision de se rendre à Géra pour faire pièce au discours de Papen et à ce que l’on pouvait en attendre. À 8 h 15, Hitler est arrivé sur l’aéroport de Munich. Mêmes cérémonies, mêmes hommes, mais un avion différent, le D. 260, réservé aux déplacements intérieurs, attend le Führer. La météo du dimanche 17 juin est bonne entre Munich et Leipzig, quelques bancs nuageux, mais à faible altitude au-dessus des Erzgebirge. À 8 h 25, l’avion décolle et à 10 h 15 il se pose sur l’aéroport de Leipzig. L’avion : c’est cela la nouvelle arme du Führer. Dans ce petit pays qu’est finalement l’Allemagne, le Führer peut être partout en à peine deux heures : ses adversaires l’oublient souvent.