Читаем La nuit des longs couteaux полностью

Franz von Papen ne peut plus se dérober : ses collaborateurs sont là, qui le pressent d’agir. « Nous l’avons plus ou moins obligé à prononcer son discours », précisera Tschirschky. Ils arrachent à Papen la promesse d’intervenir à Marburg pour la cérémonie du dimanche 17, où l’université l’a convié. Maintenant Papen roule vers Marburg et il regarde Tschirschky avec inquiétude, puis il prend son crayon et méticuleusement commence « à rayer certaines formules qui lui semblent trop claires ». Tschirschky intervient aussitôt : « Monsieur Papen, qu’est-ce que vous faîtes là ? » demande-t-il. Le vice-chancelier s’est arrêté. Dans le compartiment les deux hommes sont seuls : les collines défilent, boisées, coupées de gorges qui entaillent ce coeur cristallin de l’Allemagne. Bientôt ce sera la vallée de la Lahn, Marburg. Papen regarde Tschirschky, il interroge silencieusement son secrétaire. Tschirschky ne voit donc pas ce que fait Papen, qu’a-t-il besoin de poser cette question ? Entre les deux hommes, il y a un instant de gêne puis Tschirschky lentement révèle à Papen que déjà, par différents canaux, le texte du discours, le texte intégral, insiste-t-il, a été transmis à des journaux étrangers et que, de ce fait, le scandale serait encore plus grand si l’on constatait des différences entre les deux versions. Franz von Papen est aussi un réaliste : il rentre son crayon. Il ne lui reste plus qu’à avancer et à tirer parti de ce courage qu’on lui impose.

Dans le grand amphithéâtre de l’université de Marburg, tout le monde est debout quand Franz von Papen pénètre en cette fin de matinée du dimanche 17 juin. Pas une place n’est libre sur les gradins. Dispersés, isolés, on remarque à peine des hommes en chemise brune, un brassard nazi sur la manche ; peu nombreux, ils paraissent perdus au milieu de ces étudiants, de ces professeurs en toge. Papen toussote à plusieurs reprises puis, dans le silence le plus absolu, commence sa lecture :

« Il paraît, dit-il, que mon rôle dans les événements de Prusse et dans la formation du gouvernement actuel a été extrêmement important Si important par ses effets sur l’évolution de l’Allemagne qu’il m’oblige à juger cette situation plus sévèrement, avec un sens critique plus aigu que la plupart de nos compatriotes ».

Pas un murmure : l’attention se durcit. Papen continue plus lentement, adressant les louanges au nouveau régime puis, une phrase vient : « Convaincu de la nécessité d’une régénération de la vie publique, je faillirais à mon double devoir de citoyen et d’homme d’État en taisant les choses qu’à présent il faut dire. » Et les critiques contre les méthodes nazies déferlent alors d’autant plus inattendues que depuis deux ans le pays est assommé sous la propagande, que toutes les plumes et toutes les voix sont serves et que Franz von Papen est le vice-chancelier de ce gouvernement qu’il critique.

« Le ministre de la Propagande (il s’agit de Goebbels) semble enchanté, poursuit Papen, par l’uniformité et la docilité de la presse. Il oublie qu’une presse digne de ce nom doit justement signaler les injustices, les erreurs, les abus ».

« Tout d’abord, racontera Papen, professeurs et étudiants parurent frappés de stupeur. En silence, ils m’écoutèrent énumérer mes accusations, mais je sentis que je les tenais par ma liberté de langage. »

Et Papen continue : le pays se trouve à la croisée des chemins. Dans cette université de Marburg si proche des souvenirs de la Réforme, dans cette ville où vint Luther, il parle des principes chrétiens, « assise de la nation depuis des siècles ». Ces phrases, celles de Jung, éclatent dans l’amphithéâtre comme l’expression enfin libérée de ce que pensent les intellectuels allemands, même les plus conservateurs, depuis l’année 1933 quand d’autodafés en persécutions le pays a commencé de sombrer dans le silence et les acclamations rythmées qui marquent toujours la montée du fanatisme.

 « Si nous trahissons nos traditions, si nous ignorons les leçons de notre longue histoire et oublions de tenir compte des obligations qui découlent de notre position européenne, nous aurons perdu la plus belle, la plus magnifique occasion que nous offre ce siècle... Dans un univers en pleine évolution, acceptons les responsabilités que nous impose notre conscience ».

La conclusion, naturellement, n’est pas précise, mais elle soulève la salle. « Le tonnerre d’applaudissements qui salua ma péroraison, noyant complètement les protestations furieuses de quelques nazis, parut exprimer l’âme du peuple allemand » écrira Papen. Tschirschky s’incline devant lui, des professeurs lui serrent la main cérémonieusement, mais avec chaleur. Papen sourit, il n’a pas encore eu le temps d’avoir peur. « J’éprouvais un immense soulagement, note-t-il. J’avais enfin déchargé ma conscience ».

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