Et la jeune Anglaise qui est avec vous, Miss Debenham, de quelle couleur est sa robe de chambre ?
C'est une sorte d'abba mauve pвle achetйe en Orient.
Poirot lui demanda ensuite d'un ton bienveillant :
Pourquoi entreprenez-vous ce voyage ? Vous allez en vacances ?
Oui, je compte les passer en Suиde, mais je dois m'arrкter une semaine chez ma sњur, а Lausanne.
Voulez-vous avoir l'obligeance d'йcrire le nom et l'adresse de votre sњur ?
Avec plaisir.
Elle prit le papier et le crayon que lui tendait Poirot et йcrivit.
Connaissez-vous les Etats-Unis, mademoiselle ?
Non. Une fois, j'ai bien failli accompagner un infirme en Amйrique. Par malheur, ce projet a йtй annulй au dernier moment. Quel dommage ! Les Amйricains sont si bons et si gйnйreux ! Ils donnent а profusion aux йcoles et aux hфpitaux. En outre, ils sont si pratiques !
Vous souvenez-vous de l'affaire Armstrong ?
Non, de quoi s'agissait-il ?
Poirot exposa en quelques mots le rapt et la mort de l'enfant. Greta Ohlsson fut indignйe, son chignon jaune pвle lui-mкme tressaillit.
L'existence de tels monstres йbranle votre foi ! La pauvre mиre ! Mon cњur se brise en pensant а la douleur de cette femme.
La brave Suйdoise s'en alla, le visage rouge et les yeux embuйs de larmes.
La main de Poirot se mit а courir sur une feuille de papier.
Qu'йcrivez-vous lа, cher ami ? demanda M. Bouc.
Mon cher, j'йtablis une petite table des faits par ordre chronologique.
Ayant terminй, il passa le papier а M. Bouc.
M. Bouc approuva d'un signe de tкte.
Cela me paraоt trиs clair.
Rien en vous chiffonne lа-dedans ?
Non, je trouve ce tableau des plus ingйnieux et des plus clairs, et il semblerait que l'on pыt affirmer que le crime a йtй commis а 1h15. La montre du mort arrкtйe а cette heure-lа et le tйmoignage de Mrs Hubbard le prouvent. Je parierais que le meurtrier est ce grand Italien qui vient d'Amйrique. de Chicago. Souvenez-vous que l'Italien se sert de prйfйrence d'un couteau et ne se contente pas de frapper une seule fois.
C'est ma foi vrai.
Sans l'ombre d'un doute, voici la solution du mystиre. Cet Italien et Ratchett
Poirot hocha la tкte.
Je crains qu'elle ne soit plus compliquйe que vous ne le supposez, murmura-t-il.
Quant а moi, je suis convaincu de ce que j'avance, dйclara M. Bouc, de plus en plus entichй de son hypothиse.
Souvenez-vous que dans le mкme compartiment se trouvait le valet de chambre de Ratchett, tenu longtemps йveillй par un mal de dents, et qui jure que l'Italien n'a pas bougй.
Voilа le point difficile.
Poirot cligna de l'њil.
Autrement dit, le mal de dents du serviteur de Mr Ratchett constitue une circonstance fвcheuse pour votre supposition et extrкmement heureuse pour notre ami l'Italien.
Tout finira par s'expliquer, dit M. Bouc d'un air magnanime.
Poirot secoua de nouveau la tкte et murmura :
Non, je ne crois pas que ce soit aussi simple que cela !
□
Voyons ce que va nous rйpondre Michel au sujet de ce bouton, dit Poirot.
Le conducteur des wagons-lits, rappelй devant les enquкteurs, regarda les trois hommes d'un air interrogateur.
M. Bous s'йclaircit la voix.
Michel, lui dit-il, ce bouton de votre tunique a йtй trouvй dans le compartiment de la dame amйricaine. Veuillez nous expliquer cette coпncidence.
Machinalement, le conducteur porta sa main а son uniforme.
Je n'ai perdu aucun bouton, monsieur. Il y a certainement une erreur.
Cela semble bizarre, en effet.
Je n'y comprends rien moi-mкme, monsieur.
L'homme paraissait йtonnй, mais nullement inquiet.