La vendetta telle qu'elle est pratiquйe en Corse ou par la Maffia est inadmissible de nos jours. Pensez-en ce qu'il vous plaira, pour moi, le systиme le plus sыr demeure encore la justice rendue par les tribunaux.
Poirot considйra le colonel.
J'approuve votre faзon de voir, colonel. Je crois que c'est tout ce que j'avais а vous demander. Avez-vous souvenance d'autres dйtails qui vous paraissent suspects ?
Non, de rien. A moins que.
Il hйsita.
Continuez, je vous en prie.
Oh ! ce n'est qu'un fait insignifiant. Voici : au moment oщ je regagnais mon compartiment, je remarquai que la porte voisine de la mienne. la derniиre. tout au bout.
Oui, le numйro 16.
Exactement. La porte du numйro 16 йtait entr'ouverte et le voyageur qui occupait ce compartiment jeta un rapide coup d'њil dans le couloir, puis tira vivement la porte. Ce qui m'a surpris, c'est ce geste furtif.
En effet, dit Poirot.
Il se peut que tout cela soit naturel. Mais dans le calme impressionnant des premiиres heures du matin, une tкte qui avance et se retire brusquement dans l'entrebвillement d'une porte vous a une allure sinistre. de roman policier.
Il se leva.
Si vous n'avez pas davantage besoin de moi.
Je vous remercie, colonel, c'est tout.
L'officier hйsita un instant. Sa premiиre rйpugnance а se laisser interroger par un йtranger se trouvait а prйsent complиtement dissipйe.
A propos de Miss Debenham, ajouta-t-il d'une faзon un peu gauche et rougissant lйgиrement, je vous dйclare que c'est une personne irrйprochable. une
Il s'en alla.
Que signifie une
Cela signifie, expliqua Poirot, que le pиre et les frиres de Miss Debenham ont frйquentй les mкmes йcoles que le colonel Arbuthnot.
Oh ! cela n'a rien а voir avec le crime, dit le docteur, dйsappointй.
Poirot, pianotant sur la table, se plongea dans une rкverie.
Le colonel fume la pipe, dit-il enfin. Dans le compartiment de Mr Ratchett j'ai trouvй un cure-pipe, et Mr Ratchett ne fumait que des cigares.
Ainsi, vous croyez.
Jusqu'ici, c'est le seul homme qui s'avoue fumeur de pipe. De plus, il a entendu parler du colonel Armstrong, et peut-кtre l'a-t-il connu sans vouloir l'admettre.
Vous supposeriez.
Poirot hocha violemment la tкte.
Non, il est impossible. tout а fait impossible qu'un honorable Anglais, d'intelligence moyenne et fйru de lйgalitй, ait frappй un ennemi de douze coups de couteau ! Vous partagez cet avis, n'est-ce pas ?
Oui, il suffit de raisonner un peu, dit M. Bouc.
Nous devons tenir compte de la psychologie de chaque individu. Ce crime porte une signature, et ce n'est certes pas celle du colonel Arbuthnot. Passons au suivant.
Cette fois, M. Bouc ne nomma pas l'Italien, mais il y pensa.
□
Le dernier des voyageurs de premiиre classe, Mr Hardman, йtait un grand Amйricain rutilant qui s'йtait assis а table avec l'Italien et le valet de chambre.
Il portait un costume а carreaux, une chemise rose, une йpingle de cravate йtincelante, et mвchait quelque chose quand il entra. Sa face massive aux traits vulgaires exprimait la bonhomie.
Bonjour, messieurs, qu'y a-t-il pour votre service ?
Vous avez entendu parler du meurtre, monsieur. euh. Hardman ?
Pour sыr !
D'un coup de langue adroit, il dйplaзa la gomme dans sa bouche.
Notre devoir nous oblige а interroger tous les voyageurs.
D'accord. C'est le seul moyen d'aboutir.
Poirot consulta le passeport ouvert devant lui et lut :
OK. C'est bien moi.
Vous vous rendez de Stamboul а Paris ?
Vous l'avez dit.
Le but de ce voyage ?
Les affaires.
Voyagez-vous d'habitude en premiиre classe, monsieur Hardman ?
Oui, monsieur. Ma maison paie mes frais de dйplacement, ajouta-t-il en clignant de l'њil.
Arrivons а prйsent aux йvйnements de cette nuit. Que pouvez-vous nous apprendre а ce sujet ?
Rien du tout.
Quel dommage ! Peut-кtre nous direz-vous а quoi vous avez occupй votre temps hier soir, aprиs le dоner ?
Pour la premiиre fois, l'Amйricain rйflйchit avant de rйpondre.
Excusez-moi, messieurs. Apprenez-moi d'abord qui vous кtes ?
Poirot fit les prйsentations.
Voici M. Bouc, un des directeurs de la Compagnie des Wagons-Lits, et le docteur Constantine, qui examina la victime.
Et vous-mкme ?
Je suis Hercule Poirot, chargй par la Compagnie de mener l'enquкte.
J'ai entendu parler de vous, dit Mr Hardman (Puis il ajouta aprиs quelques secondes :) Autant vous parler franchement.
Je vous le conseille, prononзa Poirot d'un ton sec.
Si seulement je connaissais la moindre chose, je ne demanderais pas mieux que de vous le dire. Le malheur est que je ne sais rien. et, ce qui me dйsole, c'est que je devrais pouvoir vous renseigner.
Je vous en prie, monsieur Hardman, arrivez au fait.