Oui. dans l'armure de cette jeune fille. J'essayais d'йbranler son sang-froid. Je ne sais si j'ai rйussi. Mais elle йtait loin de s'attendre aux questions que je lui ai posйes.
Vous la soupзonnez ? demanda M. Bouc. Pourquoi ? Elle me semble charmante. Incapable d'кtre mкlйe а un crime pareil.
Tel est йgalement mon avis, dit le docteur Constantine. Une personne aussi froide et aussi maоtresse de ses nerfs, au lieu de tuer un homme, le poursuivrait devant les tribunaux.
Poirot soupira.
Il faudrait tout d'abord йloigner de vous l'idйe tenace que ce crime a йtй commis sous l'effet d'une colиre subite. Quant а Miss Debenham, j'ai deux raisons de la suspecter. La premiиre, c'est que j'ai surpris une conversation entre elle et le colonel Arbuthnot.
Il leur rйpйta les phrases йtranges entendues par lui aprиs le dйpart d'Alep.
Cette coпncidence est pour le moins bizarre et exige des explications, dйclara M. Bouc. Tout laisserait supposer qu'ils sont complices. elle et le colonel.
Prйcisйment, mais les faits ne le confirment pas du tout. En effet, si ces gens-lа йtaient complices, on s'attendrait а ce que chacun d'eux prouvвt l'alibi de l'autre. Or, qu'arrive-t-il ? L'alibi de Miss Debenham est dйfendu par la Suйdoise qu'elle n'avait jamais vue et celui du colonel est soutenu par MacQueen, le secrйtaire de la victime. Cette solution serait vraiment trop simple !
Vous annonciez deux raisons., lui rappela M. Bouc.
Oui, mais l'autre n'est qu'une raison psychologique. Ce crime a certainement йtй conзu et prйparй par un cerveau intelligent, lucide et calme. Miss Debenham possиde ces qualitйs.
Vous faites fausse route, je crois. Cette jeune Anglaise n'a rien d'une meurtriиre.
Passons au dernier nom de notre liste, dit Poirot, Hildegarde Schmidt, femme de chambre.
Le maоtre d'hфtel alla quйrir Hildegarde Schmidt qui entra dans le wagon-restaurant et attendit dans une attitude respectueuse.
Poirot l'invita а s'asseoir.
Les mains jointes sur les genoux, elle paraissait placide et йminemment honnкte, sinon trиs intelligente. La faзon d'opйrer de Poirot envers Hildegarde Schmidt diffйra totalement de celle qu'il avait employйe а l'йgard de Mary Debenham.
Aimable et jovial, il s'efforзa de la mettre а l'aise. Ayant obtenu qu'elle йcrivоt son nom et son adresse, il la questionna sans l'effaroucher et en employant sa langue.
Nous dйsirons connaоtre des dйtails sur l'йvйnement de cette nuit. Evidemment, nous ne vous demandons pas de nous renseigner sur le crime en lui-mкme, mais il se peut que vous ayez entendu ou vu certaines choses qui n'offrent aucun intйrкt а vos yeux et qui, pour nous, prйsentent une grande importance. Comprenez-vous ?
Elle n'en avait pas l'air. Sa figure large et bonasse conserva son expression hйbйtйe lorsqu'elle rйpondit :
Je ne sais rien du tout, monsieur.
Voyons, vous vous souvenez que votre maоtresse vous a fait appeler cette nuit ?
Ah ! pour зa oui, monsieur.
Vers quelle heure ?
Ah ! je ne sais pas. Je dormais quand l'employй est venu m'appeler.
Vous appelle-t-on parfois ainsi la nuit ?
Assez souvent. Mme la princesse a frйquemment besoin de mes services la nuit. Elle dort trиs peu.
Donc, dиs qu'on vous a envoyй chercher, vous vous кtes levйe. Avez-vous passй une robe de chambre ?
Non, monsieur. Je me suis habillйe. Je n'oserais me prйsenter en robe de chambre devant Son Altesse.
Pourtant, elle est trиs jolie, votre robe de chambre. en soie rouge, n'est-ce pas ?
Excusez-moi, monsieur, elle est en flanelle bleu foncй.
Ah ! bien ! Continuez, je vous prie. Pardonnez-moi cette petite plaisanterie. Vous кtes donc allйe chez Mme la princesse. Qu'avez-vous fait une fois lа ?
Je la massai, monsieur, puis je lus а haute voix. Je suis piиtre lectrice, mais Son Altesse estime que cela n'en vaut que mieux : elle s'endort plus vite. Se sentant gagnйe par le sommeil, elle me congйdia.
Savez-vous quelle heure il йtait ?
Je n'en ai aucune idйe, monsieur.
Combien de temps кtes-vous restйe auprиs de la princesse ?
Une demi-heure environ, monsieur.
Et ensuite ?
Comme la princesse avait froid, malgrй le chauffage, j'allai prendre une couverture parmi les bagages dans mon compartiment et je revins l'en couvrir. Elle me souhaita une bonne nuit. Je lui servis un peu d'eau minйrale, fermai la lumiиre et m'en allai.
Et puis ?
C'est tout, monsieur. Je me remis au lit et m'endormis.
N'avez-vous rencontrй personne dans le couloir ?
Non, monsieur, personne.
Vous n'auriez point, par hasard, aperзu une dame portant un peignoir rouge avec des dragons brodйs dessus ?
L'Allemande roula de gros yeux.
Ma foi non, monsieur. Il n'y avait personne dans le couloir, sauf l'employй : tout le monde dormait.
Vous avez vu le conducteur ?
Oui, monsieur.
Que faisait-il ?
Il sortait d'un des compartiments, monsieur.
Duquel ? demanda M. Bouc, brusquement.
Hildegarde Schmidt parut effrayйe et Poirot lanзa un coup d'њil chargй de reproches а son ami.
Evidemment, dit-il, le conducteur va rйpondre aux coups de sonnette des voyageurs. Vous souvenez-vous de quel compartiment il venait ?