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« Ton mari!… »

Il faut dire que la veuve Mikolofides, avec les années, devenait de plus en plus insupportable. Pendant les quarante-huit heures qui avaient suivi, Irène, cloîtrée dans l'immense demeure comme si elle avait eu six ans, s'en était aperçue à une foule de détails. Elle avait un complexe de persécution qui lui faisait voir des voleurs partout. Elle n'hésitait pas à traiter ses plus proches collaborateurs de fripouilles dès qu'ils se permettaient la moindre initiative, le plus petit geste d'autonomie. Par ailleurs, elle avait avoué à Irène la haine qu'elle portait à Kallenberg et à Satrapoulos, d'abord parce qu'ils lui faisaient une concurrence forcenée sur les mers — malgré les multiples associations que les trois armateurs avaient en commun — ensuite, parce que la fabuleuse réussite de ses deux gendres — elle ne s'était pas encore habituée au récent divorce de Satrapoulos et de Lena — était une insulte grave à ses prérogatives de chef d'entreprise. Bref, Irène avait passé des heures de cauchemar aux côtés de ce despote irascible et méfiant. Le matin du troisième jour, voyant qu'on était toujours sans nouvelles de Lena, Irène avait dû la supplier de la laisser retourner à Londres, jurant qu'elle lui téléphonerait et qu'elle restait à sa disposition. Médée, qui ne décolérait pas, avait fini par accepter.

Et maintenant, elle se retrouvait dans sa résidence britannique, assise comme une imbécile sur un bidet, malheureuse comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Elle entendit s'ouvrir la porte de sa chambre, pensa que c'était Liza qui revenait. Elle resta figée dans la même attitude, se contentant de repousser vaguement la porte de la salle de bain. Poussé de l'extérieur, le vantail revint sur elle. Elle leva la tête : Herman la regardait avec un indicible écœurement. Surprise, elle ne songea même pas à changer de position et, toujours à son idée, prit son mari à témoin de l'injustice de sa mère :

« Elle, elle!… Toujours elle! »

Barbe-Bleue se taisait. Elle précisa :

« Maman est inconsciente! Elle a choisi Lena pour aller chercher Melina! »

Kallenberg sembla exploser :

« On s'en fout de ta pute de sœur! Il vient d'arriver une chose terrible! »

D'un geste machinal, Irène essuya le rimmel qui lui coulait des yeux sur les joues, se mélangeant au maquillage qui lui barbouillait les pommettes : que pouvait-il arriver de pire? Elle était humiliée par sa mère et traitée comme une chienne par son mari.


Melina se redressa, frotta ses reins endoloris et jura :

« Et merde!… »

Elle alla se laisser tomber au pied d'un olivier, tira une gauloise froissée d'une poche de sa chemise et l'alluma. Elle en avait marre de ramasser des brindilles de bois. Elle en avait marre de tout. Elle tira quelques bouffées amples de sa cigarette et se mit à réfléchir sur son plus vieux thème : vivre comme une bourgeoise lui donnait la nausée, mais mener une existence vouée au retour à la terre ne la remplissait pas d'aise non plus. Alors? Où était sa vraie place? Elle murmura le dernier quatrain du Pauvre Gaspard de Verlaine :

Suis-je né trop tôt ou trop tardQu'est-ce que je fais en ce mondeO vous tous ma peine est profondePriez pour le pauvre Gaspard…

Elle avait beau se sentir comblée par la présence de Fast — beaucoup plus avare de son corps que de ses sarcasmes — rien n'y faisait : elle était mal dans sa peau, et cela ne datait pas d'hier. Dès qu'elle avait eu l'âge de raison — qu'elle appelait l'âge de déraison — elle avait compris qu'elle ne pourrait pas se glisser, comme ses sœurs, dans le système. La famille — la sienne surtout — la dégoûtait, tout effort continu lui donnait une sensation de vertige. Elle avait donc joué la carte du hasard, qui mène tout droit à la carte du Tendre. Si l'on peut dire : première cigarette à dix ans — pour voir — premier amant à treize — toujours pour voir — partouze à quinze, pipes de marihuana presque à la même époque. Lé plus drôle, c'est qu'on avait fini par la considérer à la maison comme l'éternelle enfant du clan, parce que sa révolte permanente l'incitait à des actes imprévisibles, et qu'elle ne se pliait pas à ses lois.

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