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Elle ouvrit la fenêtre qui donnait sur l'arrière de l'hôtel. Peu d'espoir de ce côté-là, le jardin était immense et les domestiques y mettaient rarement les pieds. Quant à sortir par cette voie, il n'y fallait pas compter. Sa chambre était située au troisième étage et le mur extérieur n'offrait aucune saillie, en dehors de fils de fer qui couraient sur sa surface pour que le lierre s'y accroche. Elle alla arrêter le robinet d'eau chaude en toussant. La pièce s'était emplie de vapeur qui plaquait une pellicule de buée sur chaque objet. Elle fit couler l'eau froide, se rassit sur le bidet et prit une décision. Elle savait qu'au-dessous d'elle, au rez-de-chaussée, se trouvaient les communs et une partie de la cuisine. Ce serait bien le diable que personne ne s'y trouve en ce moment. Il suffisait d'attirer l'attention. Elle retourna à l'armoire, écarta la bouteille de mercurochrome qu'elle posa soigneusement sur une table en verre et se mit à jeter par la fenêtre tout ce qu'elle contenait. Un énorme flacon d'Heure bleue alla se fracasser douze mètres plus bas. Sans résultat. D'autres bouteilles de parfum suivirent… Où étaient donc ces crétins? Pour quoi les payait-elle? Elle s'arc-bouta pour décrocher l'armoire elle-même, y arriva, manqua de tomber sous son poids, la fit pivoter lentement sur le rebord de la fenêtre et la poussa. Trois secondes après, il y eut un fracas épouvantable. Elle se pencha et entendit un bruit de porte qu'on ouvrait : Marthe, une fille de cuisine, leva le nez, l'air stupéfait, et aperçut Hélène qui l'apostropha :

« Vous ne voyez pas que je suis enfermée?… Qu'est-ce que vous attendez? »

Vue de haut, Marthe ressemblait à un melon. Le melon roula sur lui-même et disparut. Quelques minutes plus tard, Albert la délivrait. Elle le renversa presque pour sortir plus vite, se rua dans sa chambre, vérifia que l'appareil était bien branché et demanda fébrilement qu'on lui passât un premier numéro.


« Dis-moi au moins ce que tu recherches…

— Tu comprendrais pas.

— Dis-le toujours, on verra bien.

— Le contraire.

— Comment?

— Le contraire de ce que tu es, de ce que tu sens, de ce que tu penses, des gens que tu fréquentes, de ce que tu bouffes. Le contraire de tout ce qui fait ta vie, les robes, les cocktails, les mémères, les maris « papa-gâteaux », le pognon, les croisières où l'on s'emmerde, les cigarettes blondes, les alcools doux et ta mère…

— Qu'est-ce qu'elle t'a fait, maman?

— Oh! écrase! Au niveau où tu discutes, on n'avancera jamais… « Qu'est-ce qu'elle t'a fait maman! » Rien, justement, elle ne m'a rien fait. Elle est hermétique à ce que j'aime, bouchée!

— Qu'est-ce que tu aimes?

— Le contraire de ce que tu aimes toi. Là, tu es contente maintenant? »

Lancée sur ce terrain des idées générales, Melina pouvait mener à terme un marathon verbal. Rompue à toutes les ficelles d'une dialectique sournoise, elle avait l'art de noyer le poisson, de répondre à côté de ce qu'on lui demandait et de développer ce qu'on ne lui demandait pas. Toutefois, la placidité de sa sœur l'agaçait et la désarçonnait. Au lieu d'avoir en face d'elle un adversaire qui lui renvoie la balle, elle ne rencontrait qu'une neutralité bienveillante compréhensive : elle passait au travers. Néanmoins, elle était secrètement flattée qu'on lui eût délégué Lena pour la prier de rentrer dans le rang doré qui était le sien. Preuve qu'un trou existait pour elle, quelque part, taillé à ses mesures, où elle pourrait se réfugier quand sa fureur se serait éteinte, si elle s'éteignait jamais. Elle reprit, agressive :

« Dans notre milieu, on n'épouse pas les hommes, mais des titres ou des coffres-forts! »

Lena l'écoutait sans mot dire…

« Tu comprends ce que je te dis? Qu'est-ce que tu as fait d'autre avec Socrate? Tu t'es mariée une seconde fois avec ton père, avec une nouvelle flotte de pétroliers. D'ailleurs, tu ne l'as même pas choisi. Il t'a achetée, comme si tu étais une pièce de ce bétail. Et s'il n'avait pas été assez fortuné pour conclure les enchères, un autre richard l'aurait fait à sa place. Tu étais vouée de toute éternité, a vivre entre deux relevés de compte et des ordres passés en Bourse. Et quand tu as été bien attachée dans ce système, tu as fait ce que font toutes les petites-bourgeoises connes, tu as pris des amants en cachette, de cinq à sept, après le thé en famille et avant la dernière bouillie de la soirée à tes mioches. Ton Jules, de son côté, il faisait la même chose! Je vais te dire, les gens que tu fréquentes me font dégueuler! Ils sont moches, ils ont de sales gueules. Ils ne savent même pas baiser!

— Tu as essayé?

— Qu'est-ce que tu crois, puisque j'en parle? Seulement, moi, je choisis! Quand je repère un mec qui me plaît, je me le tape. Quand j'en ai marre, je fous le camp! Qu'est-ce que tu achètes, dis, avec ton pognon? Que tu aies un vison bleu sur le cul ou un slip de Prisunic, ça change quoi à ton cul? »

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