Elle ne remua pas, mais sa respiration se fit plus ample, de sorte que sa poitrine s’élevait et retombait sous le drap de lin blanc. Aragorn écrasa deux nouvelles feuilles d’
Peut-être Aragorn détenait-il en vérité un pouvoir de l’Occidentale désormais oublié, ou peut-être étaient-ce seulement ses paroles à l’endroit de la dame Éowyn qui agissaient sur eux ; mais tandis que la douce influence de l’herbe se répandait dans la pièce, il sembla aux spectateurs qu’un vent pénétrant soufflait par la fenêtre, et qu’il n’avait pas d’odeur : c’était un air tout à fait frais, et pur, et jeune, comme si aucun être vivant ne l’avait encore respiré, un air neuf venu du sommet de montagnes neigeuses sous un dôme d’étoiles, ou de rivages argentés au loin, baignés par une mer d’écume.
« Réveillez-vous, Éowyn, Dame du Rohan ! répéta Aragorn ; et il prit sa main droite dans la sienne et la sentit reprendre chaleur et vie. Réveillez-vous ! L’ombre est partie et toutes ténèbres sont lavées ! » Alors, il plaça la main de la jeune femme dans celle d’Éomer et s’éloigna. « Appelez-la ! », dit-il, et il passa silencieusement hors de la chambre.
« Éowyn, Éowyn ! » cria Éomer au milieu de ses larmes. Mais elle ouvrit les yeux et dit : « Éomer ! Quelle est cette joie ? Car ils disaient que tu étais mort. Non, non, ce n’étaient que les voix sombres dans mon rêve. Combien de temps ai-je rêvé ? »
« Pas longtemps, chère sœur, dit Éomer. Mais n’y pense plus ! »
« Je ressens une étrange fatigue, dit-elle. Je dois me reposer un peu. Mais dis-moi, qu’en est-il du Seigneur de la Marche ? Hélas ! Ne me dis pas que c’était un rêve cela aussi ; car je sais bien que non. Il est mort comme il l’avait pressenti. »
« Il est mort, dit Éomer, mais il m’a prié de dire adieu à Éowyn, fille bien-aimée, plus chère qu’à un père. Il repose en grand honneur dans la Citadelle du Gondor. »
« Voilà qui est affligeant, dit-elle. Mais c’est aussi un bien, plus grand que tout ce que j’osai espérer lors des jours sombres, quand l’honneur de la Maison d’Eorl semblait déchu en deçà d’une cabane de berger. Et qu’en est-il de l’écuyer du roi, le Demi-Homme ? Éomer, tu en feras un chevalier du Riddermark, car il est vaillant ! »
« Il repose non loin dans cette Maison, et je vais aller le voir, dit Gandalf. Éomer restera ici un moment. Mais oubliez les malheurs et la guerre jusqu’à ce vous soyez tout à fait guérie. C’est une grande joie de vous voir renaître à la santé et à l’espoir, une si vaillante dame ! »
« À la santé ? dit Éowyn. Cela se peut. Du moins, tant qu’il y aura un Cavalier tombé pour me laisser une selle vide, et des faits d’armes à accomplir. Mais à l’espoir ? Je ne sais pas. »
Gandalf et Pippin arrivèrent à la chambre de Merry, et ils trouvèrent Aragorn debout à côté du lit. « Pauvre vieux ! » s’écria Pippin, et il courut à son chevet ; car il lui semblait que Merry avait encore plus mauvaise mine, que son visage était plombé de gris, comme sous le poids de nombreuses années de chagrin ; et une peur le saisit tout à coup, car il crut que Merry allait mourir.
« Ne craignez rien, dit Aragorn. Je suis venu à temps, et je l’ai rappelé à nous. Il est fatigué, à présent, et en peine, et il a reçu une blessure comme celle de la dame Éowyn en osant frapper cet ennemi mortel. Mais ces maux peuvent s’amender, car c’est une âme courageuse et pleine de gaîté. Il n’oubliera pas sa peine ; mais plutôt que d’assombrir son cœur, elle lui apprendra la sagesse. »
Alors, Aragorn posa une main sur la tête de Merry, et, la passant doucement à travers ses boucles brunes, il effleura ses paupières et l’appela par son nom. Et quand l’odeur d’
« J’ai faim. Quelle heure est-il ? »
« Celle du souper est passée, en tout cas, dit Pippin ; mais je pense pouvoir t’apporter quelque chose, s’ils me le permettent. »
« Assurément oui, dit Gandalf. Et toute autre chose que ce Cavalier du Rohan pourrait désirer, pour peu qu’elle soit trouvable à Minas Tirith, où son nom est tenu en honneur. »
« Bien ! dit Merry. Alors j’aimerais d’abord souper, et ensuite une pipe. » À ces mots, son visage s’assombrit. « Non, pas de pipe. Je crois que je ne fumerai plus jamais. »
« Pourquoi donc ? » demanda Pippin.
« Eh bien…, répondit lentement Merry. Il est mort. Tout me revient, à présent. Il a dit qu’il était désolé de n’avoir jamais eu la chance de parler avec moi de la science des herbes. Presque la dernière chose qui soit sortie de sa bouche. Je ne pourrai plus jamais fumer sans penser à lui, et à ce jour-là, Pippin, quand il est arrivé à Isengard et qu’il s’est montré si poli. »