« Fumez, dans ce cas, et pensez à lui ! dit Aragorn. Car c’était un cœur tendre et un grand roi, fidèle à ses serments ; et il s’est levé d’entre les ombres pour une dernière belle matinée. Quoique vos jours à son service aient été brefs, qu’ils demeurent un souvenir heureux et honorable jusqu’à la fin de vos jours. »
Merry sourit. « Eh bien dans ce cas, dit-il, si l’Arpenteur veut bien fournir le nécessaire, je vais fumer et penser à lui. J’avais encore du meilleur cru de Saruman dans mon paquet, mais je veux bien être pendu si je sais ce qu’il est devenu dans la bataille. »
« Maître Meriadoc, dit Aragorn, si vous croyez que j’ai traversé les montagnes et le royaume de Gondor avec feu et épée pour apporter des herbes à un soldat insouciant qui jette toutes ses affaires, vous faites erreur. Si votre paquet n’a pu être trouvé, votre seul recours est d’appeler le maître herboriste de cette Maison. Et quand vous lui aurez signifié l’herbe que vous convoitez, il vous dira qu’il ne lui connaît aucune vertu, mais qu’elle se nomme
Merry lui prit la main et la baisa. « Je suis terriblement désolé, dit-il. Partez tout de suite ! Depuis cette fameuse soirée à Brie, nous n’avons fait que vous embêter. Mais c’est dans la manière des gens de mon pays de parler légèrement en pareilles circonstances, et d’en dire moins qu’ils ne pensent. Nous craignons d’en dire trop. Cela nous prive des mots justes quand la plaisanterie n’est pas de rigueur. »
« Je le sais fort bien, ou je ne vous traiterais pas de la même manière, dit Aragorn. Puisse le Comté garder toujours sa fraîche jeunesse ! » Puis il embrassa Merry et sortit, accompagné de Gandalf.
Pippin resta à son chevet. « Y a-t-il jamais eu quelqu’un comme lui ? dit-il. Sauf Gandalf, bien sûr. Je crois qu’ils doivent être parents. Mon pauvre abruti, ton paquet est à côté de ton lit, et tu l’avais sur le dos quand je t’ai rencontré. Il était sous ses yeux tout ce temps, évidemment. Et de toute manière, j’ai ma réserve à moi. Allons, haut les cœurs ! Un peu de Feuille de Fondreaulong. Bourres-en une pendant que je cours chercher à manger. Puis prenons un peu nos aises. Ah là là ! Nous les Touc et les Brandibouc, on ne survit pas longtemps sur les hauteurs. »
« Non, dit Merry. Pas moi. Pas encore, en tout cas. Mais au moins, Pippin, on peut maintenant les voir, et les tenir en honneur. Mieux vaut aimer d’abord ce qu’on est capable d’aimer, je suppose : il faut commencer quelque part et prendre ses racines, et le sol du Comté est profond. Mais il est des choses plus profondes et plus élevées ; et sans elles, pas un grand-père ne pourrait soigner son jardin dans ce qu’il appelle la paix, qu’elles leur soient connues ou non. Je suis content de les connaître un peu. Mais je ne sais pas pourquoi je parle de cette façon. Où est cette feuille ? Et trouve-moi ma pipe, si elle n’est pas cassée. »
Aragorn et Gandalf se rendirent alors auprès du Gardien des Maisons de Guérison, et ils lui recommandèrent de ne pas renvoyer Faramir et Éowyn, mais de leur prodiguer des soins pendant plusieurs jours encore.
« La dame Éowyn, dit Aragorn, voudra bientôt se lever et partir ; mais elle ne le devrait pas, s’il y a moyen de la retenir, avant au moins dix jours. »
« Quant à Faramir, dit Gandalf, il faudra bientôt lui apprendre la mort de son père. Mais le récit complet de la folie de Denethor ne devrait pas lui être conté avant qu’il soit tout à fait guéri, et prêt à assumer ses responsabilités. Veillez à ce que Beregond et le
« Et l’autre
« Il est probable qu’il soit sur pied demain, pour un court moment, dit Aragorn. Laissez-le faire, s’il le désire. Il pourra marcher un peu en compagnie de ses amis. »
« C’est une espèce remarquable, dit le Gardien, hochant la tête. D’une trempe exceptionnelle, ce me semble. »