Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

— Entrez donc, Beaufort ! Je ne sais trop si vous êtes le bienvenu, mais je puis du moins vous dire que vous étiez attendu.

Le ton du vicomte n'avait rien d'accueillant. Fort raide, il se ressentait encore, bien que Jolival fût l'homme le moins rancunier de la terre, de la mise aux fers qu'il avait subie sur la Sorcière en compagnie du pauvre Gracchus et surtout des souffrances endurées par Marianne. C'était cela qu'Arcadius ne parvenait pas à pardonner. S'il n'avait su à quel point sa jeune amie aimait cet homme, s'il ne l'avait vue, durant toutes ces semaines, se consumer d'attente et dépérir de son absence, il eût éprouvé un réel plaisir à le jeter à la porte, d'autant plus que sans rien en dire il n'avait guère apprécié, lui non plus, cette tentative de vol. Son accueil se ressentait de son état d'esprit. Inconsciemment ou non, il cherchait la bagarre.

Mais la colère de Jason était tombée en même temps que la tenture revenue à sa place derrière lui. Abandonnant Marianne, qu'il fixait comme si elle eût été un fantôme, son regard, sans rien perdre de son étonnement, vint à Jolival qui redressait toute sa petite taille en face de lui.

— Monsieur de Jolival, articula-t-il enfin. Mais que faites-vous ici ? Je vous croyais mort.

— On n'est pas plus franc... ni plus aimable ! grogna le vicomte. Je ne sais pas qui a bien pu vous mettre cette idée dans la tête. Que vous me croyiez occupé à tourner un moulin à huile en compagnie des bourricots de quelque gros négociant amateur d'esclaves passe encore... Mais de là à m'enterrer... Au cas où cela vous intéresserait, je me porte à merveille.

Un bref sourire parut sur les lèvres de Beaufort.

— Excusez-moi, je n'aurais pas dû dire cela. Mais ce qui m'arrive est tellement incroyable. Essayez de comprendre : j'arrive ici, je reconnais mon navire, j'essaie de reprendre mon bien avec une poignée d'hommes recrutés sur le port, une bande d'énergumènes me tombent dessus et me traînent chez « le propriétaire » et je me trouve en face de vous deux...

Comme si un aimant l'avait attiré, il revenait à Marianne, forme blanche lovée parmi un monceau de coussins de soie de toutes les nuances du vert. Il s'approchait du divan en contournant le poêle. La jeune femme le regardait venir avec angoisse. Qu'allait-il faire ? Il souriait avec une joie qui semblait sincère, mais ses réactions étaient tellement imprévisibles !... Avait-il tout oublié de ce qui s'était passé sur son navire, ou bien le souvenir dramatique de leur dernière entrevue l'habitait-il encore et se préparait-il à se dresser entre eux ?

La dernière fois, c'était sur le pont de la Sorcière. Du haut de sa dunette, Jason surveillait le supplice infligé à Kaleb pour avoir tenté de tuer le Dr Leighton et Marianne, folle de colère, l'invectivait, ayant arraché au bourreau le fouet sanglant. Elle revoyait le corps du faux Ethiopien, sans connaissance, lié au grand mât et pesant tragiquement, de tout son poids, sur ses poignets. Elle entendait la voix dédaigneuse de Jason ordonnant :

« Que fait là cette femme ? Qu'on la ramène chez elle !... »

Ils s'étaient affrontés devant tout l'équipage. Elle avait jeté son mépris et sa fureur à la face d'un homme au masque figé, au regard presque dément, d'un homme qui était alors, elle le savait maintenant, au pouvoir d'une drogue destructrice. Mais quels souvenirs cette drogue avait-elle laissés dans sa mémoire ?

Aucun peut-être car, dans le regard que Jason fixait sur son visage, elle retrouvait l'ancienne flamme qu'elle avait bien cru n'y jamais revoir. Une onde de bonheur la parcourut : se pouvait-il que les souvenirs tragiques vécus au large de Cythère pussent s'effacer comme un songe ? Si la mémoire de Jason n'en avait pas gardé trace, avec quelle joie Marianne les balaierait de la sienne.

Jason s'approcha encore, mit un genou sur le divan voisin, se pencha, tendant sa grande main comme s'il offrait un gage de paix.

— Marianne ! dit-il doucement. On m'avait dit que tu étais ici, que je pourrais t'y retrouver, mais je ne pensais pas que ce serait si vite. Il me semble que je rêve. Comment cela est-il possible ?

Elle se souleva parmi ses coussins, tendit ses mains, ses bras, tout son être, trop heureuse pour calculer ses gestes.

— Je te dirai tout ! Mais tu es là ! Enfin ! C'est cela qui est merveilleux ! Viens t'asseoir auprès de moi... là... tout près !

Avec une vivacité dont elle n'était plus capable depuis des semaines, elle rejetait la couverture du tandour, bousculait ses coussins pour lui faire place à son côté, sans plus penser à son état. La déformation de son corps devint alors plus qu'apparente, mais elle le comprit trop tard, en voyant Jason blêmir et se relever vivement, s'écarter.

— Ainsi, fit-il amèrement, cela au moins je ne l'avais pas rêvé ? Ce n'était pas un cauchemar créé par les drogues infernales de Leighton. Tu es enceinte...

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