Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

— Tu peux accepter le pain et le sel de cette maison, car ce sont ceux de l'ami qui, depuis des mois, a veillé sur toi... et sur moi. Avant de partir, il y a encore une chose que je veux te dire : quels que soient tes sentiments, tout à l'heure, tu retrouveras ton navire. Jolival t'en remettra les titres de propriété.

— Comment est-ce possible ? Vous m'avez dit qu'il t'appartenait et, cependant, il porte une marque étrangère.

— Il porte la marque des vaisseaux de Turhan Bey ! répondit Marianne avec lassitude. C'est-à-dire celle du maître de ce palais. Mais cette marque sert seulement à protéger la Sorcière contre les appétits de l'ambassadeur d'Angleterre. Comme l'a dit Jolival, c'est à moi que la Sultane, ma cousine, en a fait cadeau après l'avoir racheté, mais je n'ai jamais considéré cela autrement que comme un dépôt...

Avec plus de force que l'on n'aurait pu en attendre de son corps épuisé, elle entraîna dona Lavinia hors de la pièce, maîtrisant ses larmes de son mieux.

S'arracher à une présence qu'elle avait tant désirée exigeait d'elle un pénible effort, mais il était nettement au-dessus de ses forces d'entendre Jolival retracer par le menu les nuits abominables du palais Soranzo et tout ce qui s'en était suivi. Car, bien qu'elle n'eût été, dans tout cela, qu'une victime, il y avait certains détails cruels pour sa pudeur qu'elle ne pouvait toujours pas évoquer sans malaise. Et elle refusait farouchement de rougir devant l'homme qu'elle aimait. Il n'avait que trop tendance, déjà, à lui imposer ce rôle de coupable qui la révoltait.

La psychologie de l'Américain était à la fois simple et complexe. Son amour pour Marianne était, peut-être, toujours aussi vivace et cette pensée était bien le seul réconfort que la jeune femme eût retiré des quelques instants passés auprès de lui. D'autre part, Jason était prisonnier d'une éducation protestante et presque puritaine, de principes moraux rigides qui ne l'empêchaient cependant pas, en dépit d'une grande générosité naturelle et d'un caractère plutôt chevaleresque, d'être un défenseur convaincu de l'esclavage qu'il considérait comme un état tout naturel pour les

Noirs, chose que Marianne, elle, ne pouvait admettre.

Au fond, c'était de cette double tendance que procédaient les actes et les sentiments de cet homme. Une femme pouvait attendre de lui les plus grands égards et le plus profond respect, mais, au moindre faux pas, ses réactions étaient entières et brutales. La malheureuse allait rejoindre, dans son esprit, le troupeau indistinct des filles qu'il avait pu rencontrer dans tous les ports du monde et qui, à ses yeux, méritaient plutôt moins de considération que les esclaves de la « Faye-Blanche », la plantation familiale aux environs de Charleston. Qu'une créature appartenant à ce sexe suspect réussît, comme c'était le cas de Marianne, à lui inspirer une véritable passion et la belle machine humaine qui s'appelait Jason Beaufort s'en trouvait complètement déréglée...

Revenue dans sa chambre, Marianne regarda son vaste lit avec une espèce de répugnance. Malgré sa fatigue, elle n'éprouvait pas la moindre envie de dormir. Ses pensées anxieuses demeuraient là-bas, dans le tandour tiède où Jason écoutait Jolival lui conter une horrible histoire, sans peut-être y mettre beaucoup de formes, car le vicomte était visiblement décidé à ne rien épargner à son interlocuteur...

Le souvenir de la fureur qui avait secoué son vieil ami arracha un sourire intérieur à Marianne et, une fois encore, elle remercia mentalement le Ciel de lui avoir donné, dans sa vie mouvementée, ce défenseur à toute épreuve. Dieu sait comment, dans son état, elle se serait comportée en face des principes de Jason. Le souvenir de la scène qui les avait opposés, dans le roof de la Sorcière, brûlait encore ses joues.

Tournant le dos à la couche qu'une femme de chambre avait ouverte, elle alla s'asseoir sur un gigantesque coussin de satin blanc disposé devant une table basse, où s'étalaient une infinité de pots et de fioles. Dona Lavinia, qui l'avait suivie, jeta sur ses épaules une serviette de lin bleu et se mit à défaire les épingles qui retenaient la pesante chevelure de la jeune femme. Marianne la laissa faire puis, quand ses cheveux noirs, libérés, coulèrent librement sur ses épaules, elle arrêta sa suivante qui déjà s'emparait des brosses d'argent.

— Chère Lavinia, murmura-t-elle, je voudrais que vous retourniez au tandour... ou tout au moins au salon bleu. Il se peut que M. de Jolival ait besoin de vous.

La vieille dame sourit, compréhensive.

— Je crois lui avoir fait porter tout ce dont il pouvait avoir besoin, mais peut-être souhaitez-vous, Madame, que je lui fasse tenir un message de vous ?

— Oui. Je voudrais que vous lui disiez... discrètement, de venir ici avant de rentrer dans ses appartements. Même si c'est très tard, il faut qu'il vienne. Je ne me coucherai pas avant...

— Ce n'est pas raisonnable, Madame. Le médecin exige que vous vous couchiez tôt et que vous dormiez beaucoup.

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