Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Il allait s'élancer dans la chambre de la jeune femme quand la porte qui donnait sur une galerie extérieure s'ouvrit sous la main d'une servante, livrant passage à une apparition impressionnante : celle d'une grande femme enveloppée de mousselines noires et coiffée d'une espèce de hennin orfévré qui, dans le premier rayon du soleil, brillait comme de l'or aussi pur que celui des longs pendants d'oreilles tremblant le long de ses joues.

En pénétrant dans la pièce, que les cigares de Jason avaient transformée en tabagie, Rébecca eut un mouvement de recul et, de la main, fit le geste de dissiper l'épaisse fumée bleuâtre. Elle regarda tour à tour les deux hommes qui la considéraient comme si elle eût été la statue du Commandeur soudainement apparue pour leur demander compte de leurs fautes. Puis, allant à la fenêtre, elle l'ouvrit avec décision, laissant entrer par l'ouverture béante le froid humide du jardin.

— On ne fume pas près de la chambre d'une femme en mal d'enfant, fit-elle sévèrement. D'ailleurs, des hommes n'ont rien à faire, à pareille heure, dans un appartement féminin. Sortez !

Sidérés par la raideur du ton, les deux hommes se regardèrent, mais déjà Rébecca leur ouvrait la porte qu'elle venait de franchir et d'un geste autoritaire leur indiquait la galerie.

— Allez-vous-en, vous dis-je ! Je vous appellerai quand tout sera fini !...

— Mais... qui êtes-vous ? réussit à articuler Jolival.

— On me nomme Rébecca, daigna répondre l'inconnue. Mon père est le médecin Juda ben Nathan, du quartier de Kassim Pacha... et le seigneur Turhan Bey m'a fait chercher il y a une heure pour aider une amie dont l'accouchement se passe mal.

Renseigné, Jolival se dirigea docilement vers la porte, mais Jason regardait cette femme arrogante, que sa coiffure faisait plus grande que lui, avec méfiance.

— Il vous a fait chercher, dites-vous ? Je n'en crois rien, car il y a là son médecin personnel.

— Je sais ! Djelal Osman Bey est un bon médecin, mais il a, sur les accouchements, les idées d'un vrai croyant de l'Islam : la femme doit livrer son combat et il faut en attendre l'issue avant d'intervenir. Mais il y a des cas où il ne faut pas trop attendre. Alors, s'il vous plaît, ne me faites pas perdre encore plus de temps avec des explications oiseuses.

— Venez, intervint Jolival entraînant l'Américain rétif. Laissons-la ! Turhan Bey sait ce qu'il fait...

Depuis l'aube précédente, ni lui ni Jason n'avaient aperçu le maître d'Hümayunâbâd. Il était apparu subitement au milieu du tohu-bohu suscité par les appels au secours de Jolival et quand Jason, réveillé à son tour par les cris affolés des servantes, était venu voir ce qui se passait, les deux hommes s'étaient trouvés face à face.

Malgré les appréhensions de Jolival et les vapeurs du cognac, la rencontre s'était passée dans le plus grand calme. Très maître de lui, Jason Beaufort avait remercié chaleureusement l'homme qui l'avait sauvé. Il s'était arrangé, aussi, pour présenter, avec une délicatesse inattendue chez un homme de cette trempe, des excuses pleines de tact pour n'avoir pas toujours traité avec les égards nécessaires un homme dont il ignorait totalement la véritable identité et qui s'était présenté à lui sous l'apparence romantique d'un esclave en fuite. Et « Turhan Bey », faisant assaut de courtoisie, avait assuré son ancien employeur qu'il ne lui gardait nullement rancune d'un traitement dont il était seul responsable. Après quoi, il avait prié l'Américain de considérer sa demeure comme la sienne propre et d'user à sa guise de ses biens comme de son influence.

Impassible, il avait écouté les paroles émues que Jason trouvait pour le remercier d'avoir recueilli la princesse Sant'Anna et d'avoir, en quelque sorte, réparé envers elle les graves torts dont lui, Jason Beaufort, s'était inconsciemment rendu coupable, se contentant de répondre que c'était là chose toute naturelle. Puis il s'était retiré sur un salut courtois et depuis on ne l'avait pas revu.

A Jolival qui s'était présenté à la porte du pavillon qu'il habitait, on avait répondu que « le seigneur Turhan Bey était à ses entrepôts ».

Cependant, les deux hommes, chassés par Rébecca, erraient dans la longue galerie couverte. A travers le jardin dépouillé par l'hiver, elle rejoignait un kiosque peint de mille couleurs, qui faisait naître dans toute cette grisaille une fleur énorme et insolite. Tous deux se sentaient gauches, empêtrés dans leur personnage, et ne trouvaient même plus rien à se dire, soulagés secrètement, malgré tout, d'avoir échappé au boudoir enfumé où les cris résonnaient trop bien. Le silence du jardin vide leur parut délicieux et chacun d'eux essaya de le préserver un moment...

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