Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Mais il était écrit que cet instant de rémission serait fugitif et bref. Jason venait d'allumer un nouveau cigare quand le bruit d'une course résonna sous la galerie. Presque aussitôt, Gracchus surgit, hors d'haleine, rouge d'avoir couru et sa tignasse couleur de carotte raide d'émotion. De toute évidence, il apportait une nouvelle qui n'avait rien d'agréable.

— Le brick ! s'écria-t-il du plus loin qu'il aperçut les deux hommes. Il n'est plus à son poste d'amarrage !

Jason changea de couleur et, comme le garçon, parvenu au bout de ses forces, s'abattait presque sur sa poitrine, il le prit aux épaules pour l'obliger à se redresser.

— Que dis-tu ? On l'aurait volé ?

Gracchus fit signe que non, ouvrit la bouche comme un poisson tiré hors de l'eau, cherchant à reprendre son souffle, déglutit péniblement puis, finalement, réussit à articuler :

— Les sauvages... l'ont mis... en quarantaine ! Il est maintenant... ancré en plein... milieu du Bosphore, près de la tour de la Fille[14]...

— En quarantaine ? s'exclama Jolival. Mais pour quelle raison ?

L'ex-commissionnaire de la rue Montorgueil haussa les épaules avec rage :

— Paraîtrait qu'un des hommes qui le gardaient vient d'y mourir du choléra et de façon tout à fait subite. On a aussitôt brûlé le corps sur le quai, mais les autorités du port ont exigé que le navire soit conduit en quarantaine. Quand nous sommes arrivés, avec Mr O'Flaherty, il venait tout juste de quitter son mouillage, conduit par l'un des pilotes du seigneur Turhan qui a été forcé de s'exécuter. Ah ! pour une catastrophe, c'est une catastrophe ! Qu'est-ce qu'on va faire, monsieur Jason ?

Le matin précédent, Gracchus-Hannibal Pioche, qui avait retrouvé son héros favori avec une joie telle que la déception de leur dernière rencontre avait fondu comme beurre au soleil (il avait d'ailleurs reçu de Jolival toutes les explications désirables à ce sujet) avait été envoyé par Jason à la recherche de Craig O'Flaherty pour lui demander de constituer un équipage.

En effet, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, l'ancien second de la Sorcière n'avait pas quitté Constantinople. Son âme irlandaise s'était éveillée à la poésie colorée de la triple cité... et à l'intérêt que pouvait présenter certaine contrebande de vodka russe et de vins de Crimée pour un homme possédant un tant soit peu le sens des affaires...

Livré à lui-même après qu'Achmet Reis eut ramené le brick et une partie de ses passagers dans la capitale ottomane, O'Flaherty s'était un moment demandé ce qu'il allait faire. Il lui était possible, bien sûr, de s'engager sur l'un ou l'autre des vaisseaux anglais qui, telle la frégate Jason, relâchait assez régulièrement dans la Corne d'Or, et de regagner l'Europe. Mais son âme irlandaise, toujours elle, se hérissait à la seule idée de respirer sur un pont anglais, même avec la perspective de retrouver la mère patrie.

Et puis, en dehors du fait qu'il avait gardé de bonnes relations avec l'ambassade de France, où il retrouvait assez régulièrement Jolival, quelque chose de plus fort que lui le rattachait au navire américain. Il l'aimait un peu comme s'il eût été son enfant et, ayant appris que la Sultane Haseki l'avait racheté pour le rendre à Marianne, il avait copié son attitude sur celle de la jeune femme, attendant comme elle le retour de Beaufort... avec tout de même un peu plus de philosophie, mais avec une foi entière.

Les premiers temps de son attente avaient été difficiles, car il ne savait que faire, partageant son temps et son peu d'argent entre les divers cabarets de la ville et le théâtre d'ombres chinoises de la place du Sérasquier, qui charmait son cœur naïf. Il en avait été ainsi jusqu'au jour où son goût des boissons fortes l'avait amené dans certaine taverne de Galata où se réunissaient les plus fermes soutiens de Bacchus sur la rive européenne.

Il y avait rencontré un Géorgien des environs de Batoum, un certain Mamoulian, qui essayait d'oublier, dans les fumées des vins italiens ou grecs, une guerre qui le ruinait lentement. En effet, tant que les hostilités dureraient entre la Porte et le gouvernement du tsar Alexandre Ier, son fructueux commerce d'importation de vodka resterait en sommeil, car il ne trouvait plus aucun marin digne de ce nom pour accepter le risque de conduire son bateau dans les eaux russes.

Une sympathie, née spontanément après quelques bouteilles partagées, avait uni les deux hommes et l'on s'était mis d'accord pour une association momentanée. La guerre, en effet, tirait sur sa fin et, d'autre part, O'Flaherty ne voulait pas s'engager pour un temps déterminé pour ne pas excéder la durée du séjour du brick à Constantinople.

Laissant donc à Jolival son adresse au cabaret de San Giorgio où il avait fini par prendre ses habitudes, l'Irlandais s'était lancé joyeusement dans deux voyages couronnés de succès qui lui avaient permis de remplir agréablement son escarcelle et de trouver le temps beaucoup moins long...

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