Qui sont ceux-là, que vous venez de remarquer sans peine à leur air décidé, à leurs emportements ? Ce sont les meneurs : George Danton et sa hure sculptée par la charge d’un taureau qui lui avait arraché la lèvre supérieure alors qu’enfant il tétait une vache ! Camille Desmoulins qui se bagarre avec les syllabes, Jean-Paul Marat à l’épiderme malade, Fréron, créateur d’une feuille, L’Orateur du peuple
qu’il signe du nom de Martel, Chaumette qui vient de Nevers et qui rêve de créer une déesse nommée Raison. Le voilà, ce club des Cordeliers, le foyer le plus vif, le plus enflammé, le plus déterminé de la Révolution, avec tout ce que cela peut entraîner.
17 juillet 1791 : La Fayette fait tirer sur le peuple
Le club des Cordeliers, radical dans les solutions qu’il propose, veut déposer sans tarder le roi, afin d’instaurer un système politique dont le peuple sera le maître.
Le roi a été enlevé !
« La République ! » Voilà ce que réclament les Cordeliers. Ils ont une devise, forgée en 1791, avant même la fuite du roi : « Liberté, égalité, fraternité ». Chez les Jacobins, on se montre moins convaincu de l’utilité d’une république, on préfère temporiser. On préfère demander la déchéance du roi. Barnave – rappelez-vous, le Grenoblois du café Amaury
en 1789 – ne partage pas l’enthousiasme des Cordeliers. Il se montre même méfiant, il craint les débordements, cette crainte est partagée par ceux qu’on appelle les constitutionnels, députés modérés qui en ont assez du climat révolutionnaire. Le roi s’est enfui ? Non, disent en chœur Barnave et les constitutionnels, il a été enlevé par l’étranger qui voulait le protéger ! Mensonge, répliquent les Cordeliers et leurs troupes populaires en colère ! Mensonge : Louis XVI lui-même a laissé une lettre rendue publique où il a expliqué pourquoi il s’est enfui ! Oui, répondent les députés constitutionnels, mais elle est sans valeur ! Et ils rétablissent dans ses fonctions Louis XVI pardonné, le 15 juillet 1791. C’en est trop pour les Cordeliers !« Tirez, chargez, sabrez ! »
Les Cordeliers lancent une pétition le 16 juillet 1791. Le 17, ils sont plus de 5 000 au Champ-de-Mars qui viennent signer cette pétition sur l’autel de la patrie. La garde nationale, aux ordres de La Fayette est chargée de contenir les débordements. Des pierres sont lancées sur la garde, on se bouscule, on se bat, un nommé Fournier pose le canon de son pistolet sur la poitrine de La Fayette. La garde recule, se met en position, tire, charge et sabre ! Le peuple de Paris recule et laisse plus de cinquante morts sur le terrain.
Les sans le sou mis au pas !
Le lendemain, Barnave justifie à l’Assemblée ce coup de force qui rassure les conventionnels : le monde menaçant des citoyens sans avoir, des sans le sou, est mis au pas par celui des citoyens propriétaires ! Les agitateurs du peuple, Marat, Danton, Hébert, sont activement recherchés et doivent se cacher. Au club des Jacobins, rien ne va plus : on regarde de travers la Fayette. Lameth, Barnave quittent le club et vont s’installer un peu plus loin, à la terrasse de l’ancien couvent des Feuillants, fondant ainsi le club du même nom. Les Jacobins cependant tiennent bon, avec à leur tête Robespierre le pur, et Brissot, pour un temps encore…
La Constituante : de fiers services rendus à la France
Elle avait été commencée le 9 juillet 1789, elle vient d’être votée en ce 14 septembre 1791 : la constitution de la France, œuvre de l’Assemblée constituante ! Quels changements en deux ans !
La France est divisée en départements, districts cantons et communes.
Les privilèges féodaux sont abolis.
L’égalité devant l’impôt devient effective. Celui-ci comporte trois volets : la contribution foncière sur le revenu des terres, la contribution mobilière calculée sur la valeur locative des habitations, et la patente perçue sur les revenus de l’industrie et du commerce.
La presse est libre.
Les droits de citoyen sont accordés aux juifs, aux protestants.
Les progrès en matière de justice sont considérables : l’accusé qui paraît devant ses juges dans les vingt-quatre heures bénéficie de l’assistance d’un avocat, il ne subira plus la torture, sa peine sera décidée par un jury populaire composé de citoyens tirés au sort.
Une cour de cassation est créée afin de vérifier l’application des lois.
Un code pénal est rédigé, sur le modèle de l’ancien code romain.
Le roi ? Il ne lui reste plus qu’un droit de veto suspensif, c’est-à-dire un seul mot s’il n’est pas d’accord avec ce que décide, seule, l’assemblée : non !
L’abbé Grégoire : « Il faut donner aux Juifs des droits économiques et politiques ! »