Dès les premières semaines de la guerre, la France a perdu plus de 50 000 hommes. Les Allemands beaucoup moins. Cela tient à la différence de tactique de combats : les Français s’avancent vers l’ennemi le fusil à la main, la baïonnette au canon, en terrain découvert, vêtus d’un uniforme qui comporte un pantalon rouge garance ! Ce pantalon les fait aisément repérer par les Allemands qui, eux, se cachent dans les replis des terrains de combat, et attendent les offensives françaises derrière leurs puissantes mitrailleuses ! Les officiers français qui ont surtout fait des guerres coloniales et croient obstinément que seule l’attaque est l’attitude la plus efficace – le repli n’est jamais envisagé – apprennent à leurs dépens, après des reculades successives, que le rouge est visible de loin – contrairement au kaki des Allemands. Cette constatation est alors résumée dans la formule : « Le feu tue ! »
Les Allemands reculent vers l’Aisne, mais leur objectif est de s’emparer des ports du Pas-de-Calais. C’est aussi l’objectif des Français. Une course à la mer s’engage alors, du 18 septembre au 15 novembre. Les cavaleries françaises et allemandes se battent d’abord sur la Scarpe – combat dans le style des siècles passés auquel va se substituer l’affrontement à la mitrailleuse, aux canons de gros calibres capables de lancer des obus de plus en plus gros et meurtriers. Foch tente ensuite de coordonner des attaques disparates, d’établir une stratégie qui ne va déboucher sur aucune victoire décisive. La course à la mer qui représente une limite – et non un point de départ pour l’Angleterre – est le dernier mouvement d’une guerre qui va s’installer dans les tranchées, jusqu’en novembre 1918 !
Les tranchées : creusées dans la hâte en plusieurs séries parallèles, elles sont reliées par des boyaux, bordées de refuges précaires éclairés de lampes à pétrole. Le soldat y vit dans une insécurité constante : les sapeurs ennemis creusent parfois sous les tranchées et les boyaux des galeries où sont déposées des mines qui explosent ! Dans les premières semaines, les lignes de tranchées sont si proches que les soldats des deux camps fraternisent, vite rappelés à l’ordre ! La peur, le froid, la faim, la présence des rats, celle des cadavres qui se décomposent, parfois suspendus aux barbelés de protection : l’existence de ceux qui sont appelés les poilus, parce qu’ils n’ont pas toujours le temps, les moyens ou l’envie de se raser, est terrible. Ces poilus sont des jeunes gens de dix-huit ans, des pères de famille, de toutes les catégories sociales, et qui proviennent de toutes les régions. La guerre va en broyer près d’un million et demi en quatre ans !
Alain-Fournier tué aux Éparges
Dans les tranchées, des écrivains, des poètes : Charles Péguy, tué à Villeroy, près de Meaux, le 5 septembre 1914, alors qu’il criait aux hommes de sa compagnie d’infanterie : « Tirez ! Tirez toujours ! » Alain-Fournier, l’auteur du