On annonce le repas principal – le souper – au son du cor. Charlemagne, à table, va manger seul, mais sera servi par les ducs, chefs ou rois qui sont présents. On entend d’abord les fifres qui ouvrent la voie au premier service : des salades à la guimauve et au houblon, des légumes. Fifres et tambourins ! Voici le deuxième service : de gros pains ronds supportent une pyramide de viandes de toutes sortes, il s’agit souvent de gibier provenant de la chasse de l’impérial affamé. Lorsque les convives s’attableront à leur tour, ils auront pour assiette le tranchoir, une tranche de pain sur laquelle leur est servie la viande. Après les viandes vient le fromage que Charlemagne adore. Et puis on passe aux fruits. Tout cela s’est déroulé sur fond de lecture, notamment celle de
En 781, Charlemagne, qui séjourne à Parme, rencontre un moine saxon : Alcuin. Alcuin – Alhwin en Grande-Bretagne d’où il vient et où il est né en 730 – est d’une érudition éblouissante, et il séduit immédiatement son interlocuteur. Directeur de l’école épiscopale d’York où il a fait ses études, il doit abandonner cette responsabilité pour devenir le plus proche conseiller de son nouveau maître. Dans les faits, c’est souvent Alcuin le maître de Charlemagne : le futur empereur assiste volontiers aux cours qu’Alcuin dispense à des étudiants de tous les âges dans l’école qu’il a créée au palais d’Aix-la-Chapelle. Alcuin crée aussi des écoles où sont formés les futurs responsables d’administrations dépendant de l’État.
Véritable ministre de l’Éducation nationale, il définit les programmes scolaires, précisant les sept degrés de la connaissance : la grammaire, « gardienne du langage et du style correct », la rhétorique, la dialectique, l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astronomie. Alcuin est un latiniste passionné, et il entreprend de débarrasser de toute imprécision, de toute erreur, le latin abâtardi qu’on parle ou qu’on écrit à l’époque. C’est un grand amateur de Virgile. Lorsqu’il est nommé abbé du plus important sanctuaire de Gaule, Saint-Martin-de-Tours, il crée un scriptorium où des moines copistes travaillent du matin au soir afin de reproduire les textes anciens. À cette époque, on ne sait même plus lire la bible de saint Jérôme publiée au Ve
siècle ! Alcuin est aidé dans sa tâche par des moines irlandais qui, loin des troubles et des invasions, ont conservé la pratique du latin.La lettre caroline
L’écriture mérovingienne est peu lisible, compliquée, pleine de déliés qui ralentissent le copiste, tous les mots sont reliés entre eux. Il faut dire que pour les Mérovingiens, l’écriture est vraiment la cinquième roue du char à bœufs ! Les bibles recopiées sont alors truffées de toutes sortes d’erreurs ; on y trouve même des passages ajoutés par tel ou tel copiste ! Dans son Évangéliaire de Saint Médard de Soissons, le moine Godescalc a l’idée d’utiliser une lettre basée sur l’alphabet latin. Il sépare les mots et les phrases. L’écriture caroline est née ! C’est une grande première à l’époque. Alcuin, à Saint-Martin-de-Tours, adopte la lettre caroline, ronde et bien formée. Une lettre si pratique qu’on l’utilise encore aujourd’hui !
Charlemagne ne sait pas écrire