Après l’appel d’Urbain II, en 1095, un ancien soldat devenu moine, né en 1050 à Amiens et qui prétend que le Christ lui est apparu lors d’un voyage à Jérusalem, décide de sillonner les campagnes, de s’arrêter pour prêcher dans les petites villes, les villages. Il veut recruter une armée de croisés issus du peuple, une armée de gens simples. Il est monté sur un âne, marche pieds nus. Son nom ? Pierre l’Ermite. On l’écoute, il parle avec passion, avec fougue : il faut aller délivrer le tombeau du Christ à Jérusalem. La description qu’il fait de cette ville enflamme les imaginations et de braves gens vendent tout ce qu’ils ont pour suivre celui qui possède parfaitement l’art de la persuasion, mais pas grand-chose de plus. Des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, mais aussi de malades, d’infirmes et d’impotents le suivent ! Le 12 avril 1096, il arrive à Cologne où le départ pour cette croisade des pauvres gens est fixé. Ils sont près de 100 000 !
Que faire ? La foule s’impatiente des réticences des autorités à les laisser partir. Elle part même toute seule malgré les conseils de Pierre l’Ermite qui voudrait bien leur faire faire le chemin inverse, et s’en débarrasser. Trop tard ! Au bout de deux jours apparaît une grande ville. Beaucoup croient qu’ils sont déjà arrivés à Jérusalem… Pour continuer, il faut se nourrir. Cette bande va vivre de vols, de crimes, de rapines, tuant notamment les Juifs pour les voler tout en prétendant venger la mort du Christ. En août, cette triste équipée arrive à Constantinople.
L’empereur byzantin Alexis, effrayé du nombre, envoie un peu plus loin cette troupe dont quelques centaines d’éléments s’emparent d’un château. Mais, assiégés à leur tour par les Turcs, les chrétiens ont besoin de renforts. Pierre l’Ermite s’en va en demander à Constantinople. Pendant son absence, son compagnon Gautier-sans-Avoir décide d’entraîner les croisés vers Nicée. Les Turcs leur tendent un piège et les massacrent tous. Des milliers de cadavres de gens simples et trop naïfs jonchent le sol de cette terre étrangère où le rêve est devenu cauchemar. Pendant des dizaines d’années, leurs ossements formeront – racontent des témoins – comme une petite montagne !
Entre 1096 et 1270, ce sont huit croisades qui vont lentement s’ébranler vers la Terre Sainte, avec des fortunes diverses, mais toujours le même objectif : délivrer puis conserver le Saint-Sépulcre et, si possible, conquérir le plus possible de villes, de territoires aux alentours afin de multiplier les réseaux commerciaux. Mais les Turcs veillent et les affrontements sont sanglants.
En automne 1096, la deuxième vague de la première croisade s’ébranle vers la Terre Sainte. Elle est conduite par deux nobles : Adhémar de Monteil et Godefroy de Bouillon – on l’appelle la croisade des barons. Dès qu’ils arrivent en Turquie, les croisés doivent livrer de terribles batailles. Les atrocités se succèdent. Par exemple, en octobre 1097, lors du siège d’Antioche, puissante cité entourée de deux murailles hérissées de 450 tours, les chrétiens qui n’ont plus rien à manger font bouillir le cuir de leurs harnachements ; ensuite, ils le mangent ! Puis, n’ayant plus rien – c’est le chroniqueur Graindor de Douai qui le rapporte –, ils puisent dans leur réserve de prisonniers sarrasins, et en font rôtir et bouillir…
Ce n’est pas tout ! En 1098, celui qui, le premier, s’était désigné dans l’enthousiasme général, à Clermont, pour délivrer le saint tombeau, celui-là, l’évêque Adhémar de Monteil, promet à ses soldats douze deniers par tête de Sarrasin coupée. Et quand il en a une cinquantaine, il les place au bout de très longues perches, leur regard mort tourné vers l’ennemi… Ce n’est pas tout encore ! Godefroy de Bouillon, au cours d’un violent affrontement, coupe en deux morceaux, avec sa longue épée, un cavalier Turc, au niveau de la taille ! Le cheval poursuit sa route avec la partie inférieure du corps tranché, chevauchant encore, pendant que la partie supérieure mord la poussière…