Pourquoi les femmes partent-elles en croisade ? Parce que le roi, amoureux – ou prudent – a demandé la permission aux évêques d’emmener Aliénor sa belle épouse. Permission accordée ! Les barons en font autant, si bien que c’est une croisade des plus caquetantes qui s’ébranle de Metz, le dimanche de la Pentecôte 1147. Toutes sortes de désordres vont se produire et se reproduire pendant le voyage vers Constantinople : les croisés et croisées – qui traversent ici une acception accidentelle du terme – s’accordent des écarts dans la fidélité du couple avec tant d’allégresse et de conviction que les ecclésiastiques accompagnateurs en sont scandalisés ! La chasteté a dû, elle aussi, être barrée d’une croix.
Parlez-moi d’amour, Ventadour !
En 1124, un archer et une boulangère unissent leurs destinées en Limousin. L’année suivante un bébé tout chaud naît au foyer des deux parents ravis. Ils l’appellent Bernard. Ce bébé grandit, devient un jeune homme. On le remarque pour sa belle voix et pour les paroles qu’il compose. Peu à peu, il va devenir le troubadour à la mode, ses airs deviennent des tubes de l’été, de l’hiver, de toutes saisons.
Cet Aznavour des cours, ce Moustaki des cœurs possède bientôt une telle renommée qu’il est appelé auprès d’Aliénor d’Aquitaine qui adore l’entendre parler d’amour, lui dire des choses tendres qu’elle n’est jamais lasse d’entendre au point qu’il la suit en Angleterre à la cour d’Henri II. Mais, pris du mal du pays, il revient en France, à Toulouse. Il finira sa vie dans un monastère cistercien, à Dalon, en Limousin. L’amour que chante Bernard de Ventadour est un amour de l’attente, il ne peut être totalement assouvi sous peine de disparaître. Voilà pourquoi il rejette l’idée du mariage qui tue l’amour puisqu’il permet de combler le désir instantanément, ou presque, jusqu’à plus soif. Bernard ne se mariera pas, désespérant ses nombreuses groupies.
Au retour de Jérusalem, peu avant la mort de Raymond, les époux royaux regagnent la France en faisant bateau séparé. C’est fini ! Ils ne s’entendent plus. Ils ne se sont jamais entendus. Aliénor ne veut plus de ce mari indécis, mesquin, et Louis en a assez d’une Aliénor sur laquelle tout le monde se retourne et que tous les hommes convoitent. Le mariage est annulé le 21 mars 1152 (le divorce n’existe pas à cette époque). Quelques jours plus tard, elle échappe à deux tentatives d’enlèvement : deux barons voulaient la kidnapper pour l’épouser ensuite. Rien de moins !
Aliénor ne reste pas longtemps seule. Il se trouve qu’à la cour d’Angleterre, un beau jeune homme de 21 ans n’attend que la femme de sa vie pour fonder un foyer et plus si affinités, c’est-à-dire agrandir le royaume. Ce jeune homme, c’est Henri II Plantagenêt. Il est blond, il est beau, vous connaissez la chanson… Aliénor a trente-deux ans lorsque le 17 décembre 1154, elle ceint la couronne de reine auprès de son jeune roi de cœur et de bonheur (et d’Angleterre aussi) Henri II. Incroyable nouvelle fortune ! La voici reine d’Angleterre, certes, mais aussi de plus de la moitié de la France anglaise : toute la façade Atlantique et celle de la Manche, des Pyrénées jusqu’à Calais. L’Empire angevin !