On a peine à le croire, mais il y a pire encore : le 7 juin 1099, les croisés arrivent devant Jérusalem. Ils exultent, remercient Dieu ! L’assaut est donné sous une chaleur écrasante le… 14 juillet ! Une tour de bois est approchée des remparts, et les croisés plantent le drapeau sur la muraille de la ville sainte. La garnison égyptienne qui défendait la ville est repoussée. Sous les ordres de Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, Tancrède de Hauteville et Godefroy de Bouillon, les croisés envahissent alors Jérusalem, et c’est l’horreur : un chroniqueur affirme que les chrétiens font un tel carnage que le sang des infidèles leur arrive aux chevilles ; un autre dit que les chevaux en ont jusqu’au poitrail. Exagérations mises à part, le massacre est abominable : les Juifs sont brûlés vifs dans la synagogue. Les entrailles des victimes sont fouillées parce que le bruit court qu’elles ont avalé, avant de mourir, des pièces d’or afin de les soustraire aux croisés enragés ! Quarante mille cadavres, hommes, femmes, enfants, vieillards, jonchent les rues de Jérusalem. Le 22 juillet 1099, alors que la ville sainte offre le spectacle affreux d’une ville martyre, la couronne de roi est proposée à Godefroy de Bouillon. Il la refuse parce qu’il ne veut pas de la couronne triomphante et précieuse là où le Christ a souffert puis est mort crucifié, la couronne d’épines sur la tête. Quelle humanité !
Aliénor d’Aquitaine, la belle croisée de Louis VII
Un monde d’hommes, les croisades ? Pourquoi donc ? On va y trouver aussi des femmes, et pas n’importe lesquelles ! Aliénor d’Aquitaine, par exemple… On ne dispose d’aucun portrait, d’aucune représentation d’Aliénor. Seuls les mots rendent compte de cette petite-fille du troubadour Guillaume d’Aquitaine, et il semble qu’à elle seule, elle incarne une sorte de poème parfait qui serait aussi un hymne à la beauté. Selon les témoins de ce temps, Aliénor surpasse en grâce, en intelligence, toutes celles qui l’approchent. Et ceux qui croisent son regard – les poètes réunis à la cour de Poitiers, les non-poètes aussi – y reconnaissent comme une source d’amour qui les trouble longtemps. Bref, elle est très, très belle, Aliénor d’Aquitaine !
« Je croyais avoir épousé un homme, et non un moine ! »
En 1137, elle a à peine quinze ans. Et qui devient, cette année-là, l’époux de ce brillant esprit, de cette perle rare, de cette beauté ineffable ? C’est un jeune homme timide né en 1120, fils de Louis VI le Gros et d’Adélaïde de Savoie, destiné à l’état clérical, mais qui, à la mort de son frère Philippe en 1131, va devenir le prétendant au trône de France : Louis VII. Peu doué pour l’exercice militaire, Louis est un tourmenté de l’âme. Cette caractéristique a sans doute été renforcée par son éducation auprès d’abbés austères et sévères. De sorte que, toujours triste, il conserve des habitudes, des réflexes, et une façon de penser qui feront dire un jour à la belle Aliénor : « Je croyais avoir épousé un homme, et non un moine ! »
Deuxième croisade : Louis se coud la croix
Devenu roi à dix-sept ans, en 1137, Louis VII déclare, le 25 décembre 1145, qu’il veut lui aussi se coudre la croix, c’est-à-dire partir pour la croisade. Sa décision suscite peu d’enthousiasme : Louis VII n’a guère l’apparence d’un chef de guerre. De plus, toujours confit en dévotions – ce qui ne l’empêche pas de consommer son mariage avec Aliénor qui donne naissance à deux filles – on l’a surnommé le Pieux (comme Louis Ier
, le fils de Charlemagne). Pourtant, la croisade – la deuxième du nom – va partir, mais, à la différence des autres expéditions, les femmes sont autorisées à s’y joindre !
Prévôt des Juifs
Pieux à l’excès sans doute, triste, sûrement, mais stupide, sûrement pas ! Il est plutôt intelligent, Louis VII, sensible et éclairé. Beaucoup de ses initiatives en témoignent, notamment celles qu’il prend à l’égard des Juifs. À cette époque, l’usure était interdite par l’Église. Aussi, ceux qui avaient besoin d’argent s’adressaient-ils à des prêteurs juifs ; souvent, ils refusaient de rembourser l’argent qu’ils avaient emprunté, et les prêteurs n’avaient aucun recours. Pour pallier la malhonnêteté de ces emprunteurs, Louis VII crée une nouvelle fonction : prévôt des Juifs. Ils sont chargés de chasser les débiteurs de mauvaise foi.
1147 : Aliénor et la croisade caquetante