À en croire les spécialistes de l’administration pénitentiaire, la plupart des wiseguys sont “en proie à de sévères dysfonctionnements psychologiques et nerveux” qui nous rendent capables du pire. Pour chacun d’entre nous, ils ont des diagnostics longs comme le bras. Alors pourquoi ces types sont-ils assez dingues eux-mêmes pour ne pas s’apercevoir que D’Amato est fou comme un lapin, et le relâcher dans la nature ? “Prisonnier modèle”, bien sûr qu’il était un prisonnier modèle, pourquoi en douter, il devait s’occuper de la bibliothèque et régler les problèmes dans les blocs et même balayer par terre, tout ça pour sortir le plus vite possible et recommencer. D’Amato nous faisait peur à tous, même à moi, et plus personne ne voulait être en affaire avec lui.
— C’est pas la première fois que la justice américaine relâche un dingue, dit Ben. Qu’est-ce que t’en as à foutre ?
D’Amato a toujours juré que, dès qu’il sortirait de taule, il se vengerait de celui qui l’avait fait tomber : l’agent Thomas Quintiliani. On l’a tous dit à un moment ou à un autre de notre carrière, mais à l’entendre dans la bouche de Joey d’Amato, Tom peut prendre date pour des représailles.
— Qu’est-ce qui te tracasse, Zio ?
Je ne m’explique pas cette contrariété, ça ressemble à une sorte d’inquiétude, et plus j’essaie de m’ôter Quint de la tête et plus il s’impose, et pas triomphant, pas au mieux de sa forme, au contraire. Hormis pour sa famille, pour qui s’inquiète-t-on ?
Sinon… un ami.
Quint ? Ce salaud de Quint ? Un ami ? Comment pourrais-je être l’ami d’un type capable d’extraire x décimales de Pi, de désarmer une escouade de malfrats à mains nues, et de nager le quatre cents mètres quatre nages en moins de six minutes ? Non, Quint est bel et bien un ennemi, impossible de confondre, la cause de tout mon malheur, alors autant m’inquiéter pour ma chienne Malavita, m’inquiéter pour des inconnus dans la rue, m’inquiéter pour la santé des plus grands dictateurs de la planète, mais surtout pas pour Tomaso Quintiliani, Rital qui se croit du bon côté de la barrière parce qu’il a une carte avec l’aigle impérial américain imprimé dessus !