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— Il est discret, taciturne, un peu trop « anglais » pour moi. À tout prendre, j’aurais préféré un Rital à la Caputo ou Di Cicco. Je redoute déjà notre excursion parisienne de demain. Essayez de passer huit heures tout seul avec Bowles dans une voiture et vous ferez l’expérience de la solitude extrême.

Une fois l’an, et sous contrôle du programme Witsec, Fred avait l’obligation de se présenter à l’ambassade des États-Unis pour renouveler le seul document qui justifiait de son identité auprès de l’administration française : son passeport. A priori le document en question ne lui servait pas à voyager, mais Tom prévoyait toujours le cas d’un départ précipité. À chacune de ses visites, on prenait ses empreintes et sa photo, et en cas de changement de nom — en moyenne tous les trois ans — on lui demandait de restituer l’ancien passeport. Compte tenu de son statut de résident à titre exceptionnel, on lui aménageait un rendez-vous spécial, en général le dimanche, tôt le matin, afin qu’il croise le moins possible de ressortissants américains. Fred fournissait tous les renseignements nécessaires, sauf son adresse, que seuls Tom, Bowles, et le grand patron du Bureau à Washington connaissaient. Autant que faire se peut, Tom préférait éviter les transports en commun et cet aller-retour à Paris se faisait donc en voiture. Fred et Peter allaient prendre la route le samedi en fin d’après-midi, arriver à l’hôtel vers minuit, se présenter à l’ambassade dès six heures, pour un retour à Mazenc le dimanche soir. Cette année, pour des raisons que Fred n’avait surtout pas à connaître, Tom Quint avait réussi à faire coïncider dans le même week-end leur mystérieux tête-à-tête et, le lendemain, cet aller-retour à l’ambassade.

— Bowles est un très bon élément qui a désormais besoin de retourner sur le terrain. D’ici la fin de l’année, je vous affecterai un petit jeune tout frais sorti de Quantico.

— Et une femme ? Pourquoi pas une femme ? Parmi les quinze mille agents du FBI, vous allez bien m’en dégoter une. Je ne saurai rien lui cacher, et pour peu qu’elle soit gironde, elle aura le droit de se baigner dans la piscine.

— Ne commencez pas à dire des bêtises avant même d’avoir ouvert cette bouteille de blanc. En attendant, allez plutôt nous remplir la théière d’eau chaude dans cette cuisine du bas.

*

À vingt heures, Tom eut enfin le droit de soulever le couvercle du faitout qui mijotait depuis l’après-midi, et tomba nez à nez avec une forme oblongue à la chair brune et ridée qui parvenait à être appétissante.

— Je sais que les Italiens ont un nom pour cette chose, Fred.

— Polpetone ! Ne me dites pas que votre mère n’en a jamais fait.

— Ma mère vient d’une famille de pêcheurs calabrais, elle n’a jamais su cuisiner la viande.

Fred coupa le feu, piqua dans la paupiette géante pour la poser sur un billot et la découpa en tranches. La farce formait, bien au centre, un beau médaillon jaune persillé dont il semblait satisfait.

— Ça n’a l’air de rien comme ça, mais ça demande un petit tour de main.

Malgré le délicat fumet de ce qu’ils allaient déguster, Tom regrettait de ne pas dîner dans le premier restaurant venu, en terrain neutre, débarrassé de toute idée d’hospitalité. Par le passé, les deux hommes s’étaient côtoyés dans les contextes les plus extrêmes ; il y avait eu la violence des premiers temps, la traque, l’arrestation de Fred. Ils avaient connu les parloirs de prison et l’assignation à résidence dans les planques du FBI, une proximité de vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans la haine mutuelle et le mauvais café. Puis ils avaient enchaîné les vols intérieurs pour déjouer les traquenards de LCN, et après le Procès des cinq familles, sous haute surveillance et pression maximale, ils avaient fait ensemble le grand bond par-delà l’Atlantique et découvert un nouveau continent. Ils avaient connu Paris, puis la campagne française, et Tom maintenait toujours sa garde rapprochée en veillant sur Fred comme sur un chef d’État. Douze ans plus tard, cet accueil, cette fausse convivialité, le fait même que Fred se soit mis devant les fourneaux gênait Tom. Ils allaient vivre un moment difficile, qui certes honorait leur pacte secret, mais qui jamais ne s’était déroulé en douceur.

— Ne cherchez pas à vous rendre utile, Tom, et dites-moi plutôt ce que vous pensez de ce petit viognier.

Tom tendit son verre de blanc vers la lumière. Il ne buvait jamais avant dix-neuf heures, et rarement plus de deux verres de vin durant le dîner. Il avait proscrit l’alcool fort, même en cocktail, et la bière, même par temps chaud. Il ne dérogeait plus à cette discipline qui, à la longue, lui avait fait perdre le goût de l’ivresse. La seule drogue de Tom était le contrôle.

— Du viognier, vous dites ? Il y a cinq ans de cela, vous n’auriez même pas pu prononcer ce mot.

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