— Maintenant j’aimerais que tu m’expliques pourquoi tu ne m’en as rien dit, et si ta réponse est :
Que répondre à ça ? Que son Delarue de frère s’était pris pour un Manzoni mais qu’il n’était pas taillé pour le job ? Warren reconnut ses torts mais pensait tout le contraire. Ce pieu mensonge qui le liait à Guillaume était un moindre mal, tout comme il avait usé d’une légitime violence face à une poignée de malfaisants pour que cette histoire fasse le moins de dégâts possible. Grâce à lui, les parents Delarue ne sauraient jamais que leur propre fils avait ouvert leur porte au malheur en personne. Depuis que tout était rentré dans l’ordre, il fallait oublier, et le plus vite possible.
— J’aurais dû t’en parler, je sais. Pardonne-moi.
Pardonner ? De retour chez Warren, Lena passa la nuit entière, assise dans un fauteuil, à se demander comment pardonner à son fiancé ce manque de confiance en elle. Ses parents lui avaient appris qu’il était illusoire de s’inventer de petits arrangements avec la vérité, et qu’aucune cause n’était assez bonne pour justifier un geste violent.
— Demain tu vas bâtir une maison dans laquelle je te rejoindrai bientôt, dit-elle. Elle va te demander un travail et une patience énormes. Une fois terminée, elle sera comme l’aboutissement de toutes les techniques de ton art. Ce serait dommage que, après un pareil effort, le mensonge entre le premier dans cette maison.
— …
— Maintenant, si tu as quelque chose à me dire que tu m’aurais caché, même pour m’épargner, c’est le moment de t’en délivrer une bonne fois pour toutes avant de te mettre au travail.
— J’attends une réponse, Warren.
— Rien, je ne te cache rien, mon ange.
Et pour embrayer le plus vite possible, il ajouta :
— On n’a pas fait l’amour mais on a eu notre première dispute. C’est
Aux premières lueurs du jour, Lena le laissa la prendre dans ses bras, tout heureuse de retrouver son amoureux. Après de tendres réconciliations, ils se levèrent tard et déjeunèrent chez les Donzelot. Puis ils retournèrent sur leur lopin de terre pour se fixer sur une première esquisse des plans de la maison. En fin d’après-midi, Warren prit la route de la gare de Valence.
— Il faut que je pense aux actes notariés, dit-elle.
— Dans la boîte à gants, mon ange.
Il se gara sur le parking et se dirigea vers le coffre pour prendre le sac de Lena avant de l’accompagner au train. Étrangement immobile, elle ne quittait pas des yeux le contenu de la boîte à gants.
— … Lena ?
Warren allait devoir lui expliquer ce que faisait là une photo de la console Napoléon III, volée quelques mois plus tôt dans la maison de son enfance.
Entre autres images, il se revit coincer la tête d’un homme dans un tiroir et fracasser celle d’un autre avec un tuyau de plomb.
— Écoute, ça va être difficile à croire…
Cette fois, il lut dans le regard de Lena qu’il n’y parviendrait pas.