François Largillière quitta un instant son état d’hébétude pour se servir un long whisky, puis retourna s’allonger dans le canapé du salon en cherchant des yeux la fissure écaillée du plafond qu’il avait fixée des heures durant. Il était terrassé par un sentiment auquel il ne parvenait pas à donner de nom, un sentiment qui n’avait pas été répertorié dans la palette des sentiments humains, un sentiment que les poètes n’avaient pas encore chanté et que les psys n’avaient pas encore décortiqué. François venait d’
Pour pouvoir appréhender la situation, François Largillière dut la traduire en des termes familiers qui tenaient à la fois du conte de fées et du jeu vidéo : un roi tyrannique, une princesse prisonnière, un château, des gardes. Dans cette configuration-là manquait un prince charmant, seul élément capable de résoudre l’équation, mais François était à peu près le contraire d’un prince charmant ; il ne quittait jamais sa tour d’ivoire, attendait que les princesses viennent à lui, avançait dans la rue avec une prudence de souris et réservait sa part d’héroïsme à ses logiciels. Une princesse aurait pu mourir de désespoir ou d’ennui avant qu’un François Largillière ne vînt la délivrer.
Comment avait-il pu côtoyer une femme si merveilleuse sans s’apercevoir qu’elle cachait une vérité inavouable ? Belle lui avait montré ce qu’était le vrai courage, et lui l’avait vue s’éloigner, incapable de réagir. À quoi lui servait désormais toute sa science des situations virtuelles ? L’héroïne, c’était elle, demoiselle en détresse qui avait su taire son drame à l’homme qu’elle aimait.