Читаем Mon traître полностью

En arrivant à la gare, j’ai remarqué la poignée de tracts glissée dans le vide-poche de la voiture. L’un d’eux était presque tombé. Il pendait à l’extérieur. Je l’ai pris.

— Garde-le, m’a dit Brian.

C’était l’appel à une commémoration. Juste l’heure du rendez-vous, le lieu et la photo de James Connolly. L’Irlandais à col rond. J’ai trouvé cela extraordinaire. L’homme venait de quitter l’étui à violon de Pêr. Il était partout, partout ailleurs en Irlande. Tellement, que j’en détenais désormais ma part. Sur le quai de gare, j’ai ouvert mon étui et glissé le tract à plat, pour ne pas l’abîmer.

Le chemin du retour a été interminable. Et retrouver Paris, même un peu douloureux. Je ne suis pas rentré chez moi. Je suis passé par l’atelier. Je ne sais pas pourquoi. Je ne voulais pas attendre lundi matin. Je voulais déjà que James Connolly soit en place. Pas encore dans son cadre, mais déjà sur mon mur. Avec sa veste lourde, son gilet, sa moustache, son regard tranquille, avec un peu des collines de Belfast, du silence de Brian, des sourires de Jim, du thé de Cathy, du bruit métallique du caillou de l’enfant sur le blindé anglais, de l’accent de la dame au pied de son immeuble, de la pluie, du battement des hélicoptères, de la pauvreté des briques et du fusil. J’ai découpé soigneusement le tract pour ne garder que la photo, tout entourée de noir. Je l’ai collée au mur avec deux gouttes de vernis. J’ai tout éteint et je me suis assis. Mon atelier occupe une petite pièce au rez-de-chaussée d’un immeuble, avec une fenêtre sur la rue. C’était la nuit. Tout était sombre. Juste l’enseigne lumineuse de l’hôtel en face, rouge et verte, qui caressait le visage de James Connolly.




Une terrible beauté




J’ai revu Tyrone Meehan le dimanche de Pâques 1977, au lendemain de notre première rencontre. Je ne l’ai pas reconnu. Il était au milieu de la rue, de dos, mains dans les poches, la capuche de sa parka bleu nuit tombée sur les yeux. Il parlait à voix basse avec deux hommes. Lorsque je suis passé près d’eux, il m’a appelé.

— Fils ?

D’un geste du pouce, l’Irlandais a relevé son capuchon. Il a cligné de l’œil en souriant, avec ce léger mouvement de tête qu’ont les gens d’ici pour vous saluer. Du menton, il m’a présenté Tim Devlin et Mike O’Doyle. Il leur a dit que j’étais français, et aussi luthier. De partout, les gens saluaient notre groupe. Nous étions au début de l’après-midi. Il pleuvait. Des centaines de nationalistes arrivaient sur Falls Road. Hommes en pauvres habits du dimanche, femmes maquillées de fête. Les fillettes portaient les couleurs de la République en rubans de cheveux. C’était la première fois que je célébrais l’insurrection de Pâques 1916. L’année précédente, j’étais reparti avant la procession.

Tyrone Meehan observait la manifestation qui se mettait en place. Mike O’Doyle ne disait rien. Un grand jeune homme légèrement voûté, au visage sec et aux yeux très clairs. Il était aux aguets, il tournait sans cesse la tête. L’autre, Tim Devlin, parlait vite. Je ne comprenais pas tout. Plusieurs fois, le mot « RA » a sonné au milieu du murmure. « RA », pour « Republican Army ». Bientôt, comme tout le monde, j’appellerais l’IRA comme ça. Un moment, Tyrone s’est dirigé vers un groupe d’hommes adossés au mur d’un pub.

— Tu viens, petit Français ?

J’ai remonté le col de mon blouson et je l’ai suivi. Il s’est approché du groupe. Il s’est penché. Un homme lui a glissé un mot, front contre front, montrant du doigt une rue en face. Alors Tyrone a hoché la tête. Il a fait son clin d’œil en me demandant d’aller au coin de cette rue, et d’attendre.

— Attendre quoi ? j’ai demandé.

— C’est une surprise, a répondu l’Irlandais, posant la main sur mon épaule.

A l’angle, j’ai retrouvé Mike. Il parlait avec une vieille femme qui lui tenait le bras. Les républicains arrivaient de partout. Des familles entières, des landaus par dizaines. Je regardais chaque visage, chaque sourire, chaque drapeau, chaque revers arborant le lys en papier, symbole des insurgés. J’avais épingle le mien la veille pour aller au club. Mon lys de Pâques était fripé, terni, il portait le trou d’aiguille de l’année dernière mais je n’en voulais pas un autre. Un vieil homme me l’avait offert. C’était le sien. Il l’avait enlevé de son revers et épingle sur le mien. Parce que j’étais français et que je repartais avant la manifestation. Porter ce symbole vert blanc orange a été mon premier geste d’appartenance.

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